Responsabilité civile et pratique sportive

Scpa BERTRAND
04.05.12 22:12 Commentaire(s)
Responsabilité civile et sport

L'actualité récente de la Cour de cassation nous donne l'occasion de revenir sur l'évolution jurisprudentielle et légale de la notion de responsabilité civile (du fait des choses et du fait d'autrui) depuis l'arrêt du 4 novembre 2010.

La jurisprudence

décision de justice
arrêt du 4 novembre 2010

La victime d'un dommage causé par une chose peut invoquer la responsabilité résultant de l'alinéa 1er de l'article 1384 du Code civil à l'encontre du gardien de la chose, instrument du dommage, sans que puisse lui être opposée son acceptation des risques.

CA Colmar, 21 octobre 2011

Un joueur de tennis engage sa responsabilité en sa qualité de gardien de la raquette. La victime du dommage causé par une chose peut invoquer la responsabilité de l'article 1384 alinéa 1er du Code civil, à l'encontre du gardien de la chose, instrument du dommage, sans que puisse lui être opposée son acceptation des risques. En effet, le fait que le dommage se soit produit pendant une compétition n'est pas exonératoire de responsabilité.

CA Nîmes, 10 janvier 2012

L’action récursoire formée contre une association sportive organisant une course cycliste sur route ouverte, au cours de laquelle un coureur a été blessé par un automobiliste, doit être rejetée dans la mesure où il est démontré que l’association "a respecté les conditions prescrites par l’arrêté préfectoral et a rempli son obligation de moyens".

CA Amiens, 9 février 2012

Engagement de la responsabilité civile du club suite à un tacle effectué par un joueur, en raison notamment de son manquement aux obligations légales. La responsabilité de la Fédération Française ainsi que celle de la Ligue régionale sont également engagées.

CA Agen, 7 novembre 2011

L'acte étant volontaire et commis par des joueurs en dehors des règles du jeu, la responsabilité de l’association dont ils sont membres, association qui a notamment pour mission de diriger et de contrôler l’activité de ses membres pendant la compétition, doit être engagée solidairement avec les joueurs.

CA Versailles, 2 février 2012

La preuve que les parents, ayant confié leur enfant à un club sportif, n'auraient pu empêcher le comportement du joueur, ne peut les exonérer de leur responsabilité au titre de l'article 1384 alinéa 4 et 7 du Code civil. A défaut de force majeure ou de faute de la victime susceptible de les exonérer, les parents engagent leur responsabilité de plein droit en raison des faits, même non fautifs, commis par de leur fils alors mineur.

Cass. Civ2, 12 avril 2012

La victime d'un dommage causé par une chose peut invoquer la responsabilité résultant de l'alinéa 1er de l'article 1384 du Code civil, à l'encontre du gardien de la chose, instrument du dommage, sans que puisse lui être opposée son acceptation des risques. (Cet arrêt confirme la jurisprudence mise en place depuis l'arrêt du 4 novembre 2010).

Cass. Civ2, 15 décembre 2011

L’association propriétaire d’un terrain de moto-cross a "commis, sur le fondement des articles 1382 et 1383 du Code civil, des fautes de négligence et d'imprudence ayant concouru à la survenance de l'accident" en laissant un motard s’entraîner à plusieurs reprises sur le terrain, alors que celui-ci n’est pas membre effectif du club, ni titulaire d’une licence d’assurance. L'association engage donc sa responsabilité.

Cass. Civ1, 15 décembre 2011

Sur le fondement de l’article 1147 du Code civil, toute "association sportive est tenue d'une obligation contractuelle de sécurité, de prudence et de diligence envers les sportifs exerçant une activité dans ses locaux et sur des installations mises à leur disposition, quand bien même ceux-ci pratiquent librement cette activité".

la loi et code civil

La Loi

En réaction à la jurisprudence du 4 novembre 2010, une proposition de loi visant à modifier le régime de responsabilité civile du fait des choses des pratiquants sportifs sur les lieux réservés à la pratique sportive a été déposée devant l'Assemblée nationale.

En effet, par l'arrêt du 4 novembre 2010 suscité, la Cour de cassation a affirmé le principe de la responsabilité sans faute du fait des choses (article 1384, alinéa 1er, du code civil), abandonnant ici la théorie des risques acceptés dans la pratique sportive.

Au soutien de l'adoption de cette Loi, l'exposé indiquait que "Cette décision a pour effet de faire peser entièrement sur les fédérations sportives, soumises à une obligation d'assurance, la réparation des dommages, corporels et matériels, résultant d'un accident survenu notamment en compétition, ce qui pour certains sports (comme le sport automobile ou la moto) est une charge, potentiellement lourde qui met en péril la pratique de ces activités.

La proposition de loi a pour objet de pallier ces difficultés en écartant la responsabilité sans faute du fait des choses pour les dommages matériels. Cette exclusion ne concernerait toutefois que les activités pratiquées dans des lieux réservés, de manière permanente ou temporaire, à la pratique sportive (lieux fermés ou périmètres arrêtés temporairement, par exemple pour une course cycliste)".

La loi a été publiée au Journal Officiel du 13 mars 2012 (Loi du 12 mars 2012).

code du sport
Ainsi, l'article 1er de la loi prévoit :

Après l'article L. 321-3 du code du sport, il est inséré un article L. 321-3-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 321-3-1. - Les pratiquants ne peuvent être tenus pour responsables des dommages matériels causés à un autre pratiquant par le fait d'une chose qu'ils ont sous leur garde, au sens du premier alinéa de l'article 1384 du code civil, à l'occasion de l'exercice d'une pratique sportive au cours d'une manifestation sportive ou d'un entraînement en vue de cette manifestation sportive sur un lieu réservé de manière permanente ou temporaire à cette pratique. »

Scpa BERTRAND