Arbitrage obligatoire des litiges commerciaux entre clubs de football

Baptiste HUON
28.04.23 13:01 Commentaire(s)
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Le nouvel article 223 du Règlement administratif de la LFP impose que les litiges commerciaux d’un montant supérieur à 50.000 € portant sur les prêts et transferts de joueurs entre clubs professionnels français, soient obligatoirement soumis à l’arbitrage de la Chambre arbitrale du sport du CNOSF (CAS). Cette nouvelle disposition soulève un certain nombre d’interrogations, notamment quant à la notion d’arbitrage (I), à l’opportunité du recours à l’arbitrage (II), à son champ d’application (III), à la procédure applicable (IV) et à son caractère obligatoire (V).             

I) Qu’est-ce que l’arbitrage de la CAS ?

La notion d’arbitrage n’est pas nouvelle dans le sport puisque la grande majorité des litiges survenant dans le contexte international du sport est résolue par la voie de l'arbitrage devant le Tribunal arbitral du sport (TAS).

L’arbitrage, entendu au sens juridique du terme, est une procédure qui permet de résoudre des conflits. C’est une justice privée par laquelle un litige est soustrait aux juridictions étatiques de droit commun pour être résolu par des arbitres investis, pour la circonstance, de la mission de juger.

Les procédures d’arbitrages en France sont soumises à un certain nombre de règles définies par les articles 1442 à 1527 du Code de procédure civile (CPC), qui distinguent selon que l’arbitrage est interne ou international. La qualification interne ou internationale d’un arbitrage dépend de la nature de l’opération économique à l’origine du litige (article 1504 CPC). Si l’arbitrage met en cause des intérêts du commerce international, il sera alors qualifié d’international. En revanche, l’arbitrage sera interne lorsqu’il recouvre des situations qui, d’un point de vue économique, ne se rattachent d’aucune façon avec un pays étranger.

L’arbitrage de la CAS prévu par l'article 223 du Règlement administratif de la LFP est un arbitrage interne au sens du Code de procédure civile dans la mesure où les litiges qui y seront soumis seront relatifs à des mutations temporaires ou définitives (prêts ou transferts) sur le seul territoire français.

L’arbitrage de la CAS est enfin institutionnel puisque le CNOSF apporte son concours pour mettre à la disposition des parties une liste d’arbitres, un règlement de procédure (disponible sur le site internet du CNOSF), une organisation matérielle et des services.

Article 223 du Règlement administratif de la LFP : 
« Tout litige entre clubs professionnels de nature commerciale résultant d’une convention de mutation définitive ou temporaire et dont le montant est supérieur à 50 000 euros HT est tranché définitivement par la Chambre arbitrale du sport instituée au sein du Comité National Olympique et Sportif Français, selon les conditions fixées par son Règlement d’arbitrage.

La recevabilité de ce recours contentieux est toutefois soumise à la saisine préalable pour avis de la Commission Juridique de la LFP. »
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II) Avantages et inconvénients de l’arbitrage de la CAS

De par sa nature éminemment privée, l’arbitrage de la CAS, comporte des avantages et inconvénients différents de ceux d’une procédure juridictionnelle classique. 

L’arbitrage de la CAS est d’abord une justice dite expertale car rendue par des spécialistes choisis précisément pour leur spécialité.


L’arbitrage de la CAS est également confidentiel. L'article 20 de son règlement prévoit que : « [l]a procédure instituée selon le présent Règlement est confidentielle. Les parties, les arbitres et la Chambre arbitrale du sport s’engagent à ne pas divulguer à des tiers des faits ou autres informations ayant trait au litige et à la procédure. Les sentences ne sont pas publiées, sauf si la sentence elle-même le prévoit ».


En outre, l’arbitrage est moins formel et plus souple que la justice étatique. Le tribunal arbitral est en effet dispensé de conduire la procédure prévue pour les tribunaux étatiques par le Code de procédure civile. Il est possible, par exemple, de soumettre les témoins de la partie adverse à un contre-interrogatoire (cross-examination).


L’arbitrage de la CAS est enfin une procédure rapide. Le règlement de la CAS prévoit que « [l]es sentences sont rendues dans un délai de six mois à compter de la ratification de l’acte de mission par la Formation arbitrale. Toutefois, la Formation peut par décision motivée décider de proroger ce délai. En aucun cas la sentence ne peut être rendue plus de douze mois après la signature de l’acte de mission».

Il s’agit en revanche d’une procédure onéreuse. En effet, aux frais administratifs, d’expertise et honoraires d’avocat classiquement exigés devant les juridictions étatiques, il convient de payer en plus les honoraires des arbitres. Devant la CAS, le taux horaire des honoraires des arbitres est fixé à 200€ HT (article 29 B). Ce montant peut être réduit ou augmenté en fonction de la complexité de l’affaire et de l’importance des montants en jeu.               

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III) Champ d’application de l’article 223 du règlement LFP

Concernant le champ d’application personnel de cette disposition, seules les transactions conclues entre des clubs professionnels français sont visées. Par conséquent, les transactions conclues par un club français amateur ou par un club étranger sont exclues. 

Le champ d’application matériel du nouvel article est limité quant à lui aux conventions de mutation définitive ou temporaire dont le montant est supérieur à 50 000 € HT. Dans le langage courant, ce sont ainsi les transferts et les prêts de joueurs qui sont visés. Le montant déterminé par la LFP est relativement bas, ce qui signifie qu’un grand nombre de conventions seront couvertes par cette nouvelle disposition.

Par ailleurs, seuls sont visés les litiges de nature commerciale. A priori, ce caractère commercial couvre l’application des clauses contractuelles relatives, notamment, au paiement de l’indemnité de transfert ; toute question d’une autre nature (sociale, pénale, …) ne serait pas visée par cette disposition. Toutefois, cette notion de litige commercial nécessite des précisions qui découleront probablement de l’application de cette disposition en pratique. 

IV) Procédure applicable devant la CAS et recours contre les sentences

L'article 223 du Règlement administratif de la LFP précise que la recevabilité du recours devant la CAS est subordonnée à la saisine préalable obligatoire pour avis de la Commission juridique de la LFP. Cet avis ne lie pas les parties, mais est censé favoriser la résolution amiable du litige en amont de la saisine de la chambre arbitrale.

Si l’une des parties ne souhaite pas se conformer à l’avis rendu par la Commission juridique de la LFP, elle peut saisir la CAS. Cette saisine s’effectue conformément au Règlement de la CAS. Ce même règlement précise également l’ensemble des règles applicables à la constitution de la formation arbitrale et au déroulé de la procédure arbitrale.

En matière d’arbitrage interne, la sentence arbitrale n’est pas susceptible d'appel sauf volonté contraire des parties (article 1489 du Code de procédure civile). Toutefois, le règlement de la CAS prévoit à l’article 25, que «[l]a Sentence tranche définitivement le litige et ne peut être frappée d’appel ». L’article 223 du Règlement administratif de la LFP prévoit en outre que les litiges seront tranchés « définitivement » par la CAS.

Les sentences arbitrales de la CAS sont toutefois susceptibles de recours dans le cadre d’un recours en annulation devant Cour d'appel de Paris, en application de l'article 1494 du Code de procédure civile. La Cour se bornera alors à vérifier si la sentence a été rendue conformément aux dispositions applicables à la procédure arbitrale, sans en examiner le fond. La décision de la Cour d’appel pourra ensuite faire l’objet d’un pourvoi en cassation dans les conditions de droit commun.

V) L’arbitrage de l'article 223 : un arbitrage obligatoire

L'article 223 du Règlement administratif de la LFP impose enfin aux clubs d’inscrire dans chaque convention de mutation la clause suivante : « La présente convention est conclue dans le respect des dispositions du Titre 2 du Règlement Administratif de la LFP, et notamment de son article 223 relatif à l’arbitrage ».

L’objectif de cette mesure obligatoire est ainsi de recueillir le consentement des parties à l’arbitrage. En effet, le principe même de l'arbitrage repose sur le consentement des parties impliquées, qui peut être donné soit par la voie d'une clause compromissoire, soit par la voie d'un compromis. Cela signifie que les parties doivent expressément accepter de recourir à l'arbitrage pour résoudre leur différend. Par conséquent, cette mesure obligatoire a pour objectif de garantir que ce consentement a bien été donné avant que la procédure d'arbitrage ne soit enclenchée.

Cette obligation ne va pas sans rappeler les statuts des fédérations sportives internationales qui imposent la compétence du TAS pour la résolution de leurs différends avec leurs membres. Cet arbitrage est en pratique imposé par l’institution sportive par la voie de sa réglementation et c’est la raison pour laquelle la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH), dans son célèbre arrêt Mutu et Pechstein, a assimilé l’arbitrage du TAS à un arbitrage forcé et dont la procédure doit par conséquent offrir aux parties les garanties procédurales prévues à l’article 6§1 de la  Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
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