
Les droits audiovisuels des compétitions de football professionnel sont attribués par la Ligue de Football Professionnel (LFP) qui centralise leur commercialisation pour le compte des clubs de football professionnels (cette attribution de droits a d'ailleurs récemment été au cœur d'un litige entre la LFP et le Groupe Canal Plus devant l'Autorité de la concurrence). Quels sont les fondements juridiques de ce système centralisé, au cœur d'un équilibre nécessaire entre les principes de libre concurrence, de solidarité et d'intérêt général ?
La propriété et la commercialisation des droits d'exploitation audiovisuelle des compétitions organisées par la LFP
Selon le Code du sport
Les relations entre la FFF, la LFP et les clubs professionnels concernant les droits d’exploitation audiovisuelle des compétitions organisées par la LFP sont régies par les dispositions des articles L. 333-1 et suivants et R. 333-1 et suivants du Code du sport, fixant les conditions de la commercialisation par la LFP de ces droits.
L'article L. 333-1 du Code du sport dispose :
Selon les règlements de la FFF et de la LFP
Les règlements de la FFF et de la LFP viennent compléter le dispositif juridique.
L'on peut ainsi citer l'article 26 de la Convention entre la FFF et la LFP, lequel prévoit que les droits d’exploitation audiovisuelle cédés par la FFF aux sociétés sportives sont commercialisés à titre exclusif par la LFP :
«Toutes les dispositions d’ordre financier ainsi que celles fixant le cadre des relations de la FFF, de la LFP et des clubs professionnels avec les diffuseurs audiovisuels font l’objet d’un protocole d’accord financier annexé à la présente convention.
Les modalités de ce protocole, préalablement soumises à l’Assemblée Générale de la LFP, doivent être approuvées par l’Assemblée Générale de la FFF. (...)».
L'article 4 du Protocole financier entre la FFF et la LFP précise également :
«(...) Aucun club ne peut prendre des accords avec une chaîne de télévision visant la retransmission en direct ou en différé de rencontres amicales ou de tournois, sans l’autorisation expresse de la FFF et de la LFP.
Les conventions conclues par la LFP dans le cadre de la commercialisation des droits d’exploitation audiovisuelle, selon les dispositions de l’article R333-2 alinéa 1 du Code du sport, sont signées par la LFP.
Ces conventions s’imposent impérativement à tous les clubs concernés. En cas de non-respect des obligations en découlant, les sanctions sportives et financières suivantes pourront être prononcées par les Commissions compétentes:
- première sanction :
o à l’encontre du Président du club : suspension de 3 à 6 mois ;
o à l’encontre du club : amende de 32 000 € à 160 000 € et retrait de trois points au classement du championnat.
- en cas de récidive :
o à l’encontre du Président du club : radiation ;
o à l’encontre du club : suppression du bénéfice des répartitions provenant des contrats de télévision et rétrogradation sportive».

La centralisation des droits TV : un équilibre recommandé par les institutions de l'Union Européenne et l'Autorité de la concurrence entre les atteintes au principe de libre concurrence et le principe de solidarité
Une atteinte au principe de libre concurrence du droit de l’Union Européenne
Toutefois, la Commission considère que ces règles restrictives peuvent être exemptées dans les circonstances spécifiques de l'espèce. Il est en effet possible de justifier une restriction de concurrence lorsqu'elle est équilibrée avec les avantages qui en résultent, conformément à l'article 101§3 du TFUE :
« 3. Toutefois, les dispositions du paragraphe 1 peuvent être déclarées inapplicables:
- à tout accord ou catégorie d'accords entre entreprises,
- à toute décision ou catégorie de décisions d'associations d'entreprises et
- à toute pratique concertée ou catégorie de pratiques concertées
qui contribuent à améliorer la production ou la distribution des produits ou à promouvoir le progrès technique ou économique, tout en réservant aux utilisateurs une partie équitable du profit qui en résulte, et sans:
a) imposer aux entreprises intéressées des restrictions qui ne sont pas indispensables pour atteindre ces objectifs,
b) donner à des entreprises la possibilité, pour une partie substantielle des produits en cause, d'éliminer la concurrence».
Une atteinte justifiée par le principe de solidarité
Saisi pour avis dans le cadre de l'élaboration des textes applicables en France à la commercialisation des droits d'exploitation audiovisuelle des compétitions sportives, le Conseil de la concurrence, devenu l'Autorité de la concurrence, a souligné dans un avis 04-A-09 que «la commercialisation centralisée des droits des compétitions a une justification économique, comme la diminution des coûts de transaction, la cohérence globale du produit, une meilleure valorisation de l’ensemble par comparaison avec une commercialisation club par club, et une garantie de ressources pour l’ensemble des clubs».
De même, dans le Livre blanc sur le sport, la Commission européenne estime que la vente centralisée peut constituer un moyen efficace de vendre les droits TV ainsi que de garantir l'intégrité des compétitions, d'en préserver la nature et l'intérêt. La Commission indique notamment que «la vente centralisée des droits peut être importante pour la redistribution des revenus et peut donc constituer un instrument au service d’une plus grande solidarité dans le sport».
Le Parlement européen, dans sa Résolution du 8 mai 2008 sur le Livre blanc sur le sport recommande aux États membres et aux fédérations sportives à «introduire, là où ce n’est pas encore le cas, la vente centralisée des droits médiatiques », au motif qu’elle constitue « un instrument au service d’une plus grande solidarité dans le sport».
Les mécanismes de redistribution des recettes issues de la vente des droits audiovisuels afin de garantir l'intérêt général
Si l’article L. 333-3 du Code du sport prévoit une répartition entre la fédération, la ligue et les sociétés sportives (A), l’article 302 bis ZE du Code général des impôts et les Statuts de la FFF et de la LFP prévoient également une redistribution d’une partie des droits d’exploitations au secteur amateur (B).
La redistribution des recettes issues de la vente des droits audiovisuels entre la ligue, la fédération et les clubs
L’article L. 333-3 du Code du sport dispose :
«Afin de garantir l'intérêt général et les principes d'unité et de solidarité entre les activités à caractère professionnel et les activités à caractère amateur, les produits de la commercialisation par la ligue des droits d'exploitation des sociétés sont répartis entre la fédération, la ligue et les sociétés.[...]
Les produits revenant aux sociétés leur sont redistribués selon un principe de mutualisation, en tenant compte de critères arrêtés par la ligue et fondés notamment sur la solidarité existant entre les sociétés, ainsi que sur leurs performances sportives et leur notoriété».
Il existe ainsi trois critères légaux non limitatifs qui fondent la répartition des droits audiovisuels : la solidarité, les performances sportives et la notoriété des clubs. La notoriété est appréciée en fonction de la diffusion des matchs par les chaînes détentrices des droits.
Les Statuts de la LFP prévoient la répartition des droits audiovisuels entre la Ligue 1 et la Ligue 2 en Assemblée générale (Art. 12 des Statuts de la LFP) mais aussi entre chaque club au sein de leur ligue respective, via le Conseil d'Administration de la ligue sur proposition des Collèges de Ligue 1 et Ligue 2 (Art. 22 des Statuts de la LFP). Pour la saison 2020-2021, le Conseil d’administration a délégué au Bureau de la LFP son pouvoir d'adoption du guide de répartition des droits audiovisuels Ligue 1 et Ligue 2.
Selon l'Étude de législation comparée n° 275 du Sénat - Les droits audiovisuels du football : cession et répartition, les modalités de répartition de ces droits sont différentes selon les ligues : modalités de répartition de ces droits sont différentes selon les ligues :
«- pour la Ligue 1, cette répartition s'effectue selon les cinq critères : part fixe, licence club, classement sportif sur la saison en cours, classement sportif sur les cinq saisons révolues, classement notoriété sur les cinq saisons révolues ;
- pour la Ligue 2, il n'y a pas de prise en compte du classement sportif sur les cinq dernières saisons, la notoriété est prise en compte sur la seule saison en cours et la formation (qui ne figure pas dans les trois critères prévus par la loi) est néanmoins prise en compte».
La redistribution d’une partie des recettes issues de la vente des droits audiovisuels au sport amateur
Une redistribution via l’Agence Nationale du Sport à toutes les disciplines sportives
L’article 302 bis ZE du Code Général des Impôts prévoit une contribution de 5% des sommes hors TVA encaissées par la ligue au titre des droits cédés par elle.
Cette taxe, aujourd’hui affectée à l’Agence nationale du sport, a été créée pour faire jouer la solidarité envers le sport amateur (Art. L. 411-2 du Code du sport).
Une redistribution via la LFP au football amateur
Le protocole d’accord financier FFF/LFP 2021/2022 prévoit que conformément aux Statuts de la FFF (Art. 32.8) et la LFP (Art. 39), la LFP s’engage «à verser chaque saison à la FFF une contribution financière unique en faveur du football amateur qui sera calculée à hauteur de 2,5% de l’assiette constituée des droits d’exploitation audiovisuelle négociés par la LFP (nets de la taxe sur la cession des droits de diffusion prévue à l’article 302 bis ZE du Code général des impôts) et des recettes de la LFP sur les paris sportifs. Cette contribution ne pourra être inférieure à un minimum garanti fixé à 14 60 000 €».

Sur le même thème, voir les articles suivants :
[12.10.20214]