Par une circulaire du 8 octobre 2021, la FIFA a rappelé aux associations membres leur obligation de transposer les dispositions sur la maternité des joueuses professionnelles adoptées fin 2020.La Fédération Française de Football (FFF) est-elle concernée ? En effet, la loi française prévoit déjà des conditions protectrices des salariées.
Les amendements FIFA en faveur des footballeuses professionnelles
Le 4 décembre 2020, le Conseil de la FIFA a voté l’adoption d’amendements au Règlement du Statut et du Transfert des Joueurs (RSTJ).
Ces nouvelles dispositions traitent de la grossesse et du congé maternité des « footballeuses professionnelles ».
A noter que la FFF, en l'état de ses règlements saison 2021/2022, réserve encore le terme de "professionnel" aux seuls pratiquants masculins. En effet, l'article 46 des Règlements Généraux de la FFF disposent :
"1. Est professionnel, élite, stagiaire, aspirant, apprenti, tout joueur ayant obtenu cette qualité, soit par l'enregistrement d'un contrat le liant à son club, soit par la décision de la Fédération. Les dispositions du statut de ces joueurs figurent dans la Charte du Football Professionnel.
Le retard d’associations-membres de la FIFA dans la transposition des amendements
Remarque : cette dérogation ne s’applique pas à l’article 6 alinéa 1er du Règlement FIFA ce qui signifie que, conformément à l’article 1er, alinéa 3, a), il est contraignant et doit être inclus, sans modification, dans les règlements nationaux des associations membres en matière de transfert. La FFF devrait donc préciser dans ses règlements qu’un club peut enregistrer une joueuse pour remplacer une autre partie en congé maternité ou bien enregistrer une joueuse revenant d’un congé maternité, en dehors des deux périodes d’enregistrement annuelles.
Des conditions de travail plus favorables pour les footballeuses sous contrat de travail dans la loi française ?
De manière générale, pour les salariées, le droit du travail français prévoit un congé maternité plus long que la FIFA : hors circonstances particulières, la durée de principe est de 16 semaines dont 10 prises à la suite de l’accouchement selon l’article L. 1225-17 du Code du travail auquel l’article 7.3.1 de la CCNS fait directement renvoi.
S’agissant de l’article 18 alinéa 7 sur la rémunération, l’existence de conditions plus avantageuses dans le droit français est plus difficile à déterminer car les critères d’appréciation ne sont pas identiques. La FIFA raisonne sur une base mensuelle alors que la France a fait le choix d’indemnités journalières dépendant de plusieurs facteurs (calcul prévu par l’article R. 323-4 du Code de la Sécurité sociale et par le simulateur de l’Assurance maladie).
Pour le nouvel article 18quater, un raisonnement alinéa par alinéa semble plus approprié.
D’abord, le droit français prévoit l’interdiction de soumettre la validité d’un contrat à un état de grossesse ou à un congé maternité à l’instar du Règlement (article L. 1225-1 du Code du travail).
Ensuite, il est également interdit de rompre un contrat de travail au motif d’un état de grossesse ou de prise d’un congé maternité (articles L. 1225-4 à L. 1225-4-2 du Code du travail). Toutefois, le Règlement du Statut et du Transfert des Joueurs innove en ce qu’il pose une présomption simple de rupture abusive pour motif de grossesse.
Article 18quater, alinéa 2, a) : « Sauf preuve du contraire, il est présumé que la résiliation unilatérale d’un contrat par un club durant une grossesse ou un congé maternité est survenue en raison de la grossesse de la joueuse concernée».
Si le contrat de travail de la joueuse est rompu pour l’un des motifs de l’article 18quater alinéa 2, tant la FIFA que la législation française prévoient des indemnités :
- Pour la FIFA : en cas de résiliation sans juste cause, il est accordé une indemnité équivalente à la valeur résiduelle du contrat prématurément résilié. Si la joueuse a déjà signé un nouveau contrat entre temps, la valeur du nouveau contrat pour la période correspondant à la durée restante du contrat prématurément résilié est déduite de la valeur résiduelle du contrat prématurément résilié. Dans les deux cas de figure, le Règlement octroie une indemnité supplémentaire « correspondant à 6 salaires mensuels du contrat prématurément résilié » (cf. alinéa 3, a, iv).
- Pour le Code du Travail, l’article L. 1243-4 alinéa 1er dispose que la rupture abusive du contrat de travail à durée déterminée « ouvre droit pour le salarié à des dommages et intérêts d'un montant au moins égal aux rémunérations qu'il aurait perçues jusqu'au terme du contrat, sans préjudice de l'indemnité de fin de contrat prévue à l'article L. 1243-8 ». De plus, l’employeur peut être condamné à payer des dommages et intérêts en réparation d’un préjudice distinct de l’indemnité couvrant la perte de salaire jusqu’au terme initial du contrat (Cass. Soc. 3 juillet 2019, n°18-12.306 : « que (le premier alinéa de l’article L.1243-4 du Code du travail) fixe seulement le minimum des dommages-intérêts que doit percevoir le salarié dont le contrat à durée déterminée a été rompu de façon illicite »).
La CCNS n’apporte pas plus de précision, l’article 4.7.3.3 alinéa 8 relatif au contrat de travail spécifique du Code du sport prévoyant que « Les modalités de rupture du CDD spécifique sont celles définies par le code du travail ».
Ensuite, les droits de la joueuse énumérés ci-dessus par l’article 18quater sont également traduits dans la législation française (articles L. 1225-7 et suivants du Code du travail).
Celle-ci apporte toutefois une précision supplémentaire protectrice des salariées en imposant une période à partir de laquelle elles ne peuvent plus travailler:
Article L. 1225-29 du Code du travail : « Il est interdit d'employer la salariée pendant une période de huit semaines au total avant et après son accouchement.
Il est interdit d'employer la salariée dans les six semaines qui suivent son accouchement ».
Une footballeuse professionnelle peut fournir d’autres types de services (conformément au RSTJ) :
Article L. 1225-7 du Code du travail : « La salariée enceinte peut être affectée temporairement dans un autre emploi, à son initiative ou à celle de l'employeur, si son état de santé médicalement constaté l'exige (...).
Le changement d'affectation n'entraîne aucune diminution de rémunération ».
Enfin, le Code du travail prévoit des conditions analogues à celles de la FIFA en matière d’allaitement et d’extraction de lait aux articles L. 1225-30 à L. 1225-33 :
Article L. 1225-30 du Code du travail : « Pendant une année à compter du jour de la naissance, la salariée allaitant son enfant dispose à cet effet d'une heure par jour durant les heures de travail ».
Article L. 1225-31 du Code du travail : «La salariée peut allaiter son enfant dans l'établissement ».
Conclusion sur la comparaison des dispositions légales françaises et du règlement FIFA quant à la protection de la maternité des joueuses professionnelles de football
A noter cependant qu'à ce jour (saison 2021/2022), plusieurs profils de joueuses participent au Championnat de France féminin de 1ère division, la D1 Arkéma (lequel dépend de la FFF).
En effet, les joueuses qui participent à la D1 féminine ne sont pas toutes des joueuses salariées disposant d'un contrat de travail à temps plein. Ainsi, certaines ont encore le statut "amateur" et d’autres ne disposent que d'un contrat de travail à temps partiel. Comme le souligne le Sénateur Yves Détraigne (Marne - UC) dans une question écrite à Mme la ministre déléguée des sports le 7 octobre 2021, « la moitié des joueuses bénéficient de contrats à temps partiel et complètent leur salaire avec une autre activité professionnelle ».
Qu'en est-il de la protection de ces dernières qui ne correspondent pas exactement à la définition de "joueuse professionnelle" de la FIFA ?