Football : redressement judiciaire et conséquences sportives

Scpa BERTRAND
29.04.21 15:20 Commentaire(s)
cabinet d'avocat en droit du sport

Par un communiqué du 22 avril 2021, le  FC Girondins de Bordeaux  a annoncé le départ de son actionnaire, King Street. Ces circonstances ont conduit le club à engager devant le Tribunal de Commerce de Bordeaux une procédure de règlement amiable des difficultés avec la nomination d’un mandataire ad hoc. Cette procédure pourrait aboutir à l'ouverture d'une procédure collective.

​C'est ici l'occasion de rappeler quelles peuvent être les conséquences sportives, et en particulier une rétrogradation, dans l'hypothèse où un club de football ferait l'objet d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire.

La rétrogradation du Club de football en division inférieure

En cas de procédure de redressement judiciaire, l'article 103 du Règlement Administratif de la Ligue de football professionnel (LFP) dispose que :


"Le club qui fait l'objet d'une procédure de redressement judiciaire est, au terme de la saison, rétrogradé dans la division immédiatement inférieure à celle pour laquelle il aurait été sportivement qualifié la saison suivante.

Cependant, il doit être précisé que cet article fait l'objet pour la saison 2020/2021 de dispositions particulières. En effet, l'article 103 bis du Règlement Administratif de la LFP dispose:


" Article 103. BIS - PROCEDURE  JUDICIAIRE SPECIFIQUE POUR LA SAISON 2020/2021
  1. L'article 103 est suspendu pour la saison 202012021.
  2. Un club de Ligue 1 ou de Ligue 2 qui ferait l'objet d'une procédure de redressement judiciaire ouverte avant le dernier match de la saison 2020/2021 se verra appliquer automatiquement un retrait de 15 points pour son classement de la saison 2028/2021.
  3. Un club de Ligue 1 ou de Ligue 2 qui ferait l'objet d'une procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire ouverte avant la reprise effective du championnat 2021/2022 ne sera pas rétrogradé dans la division immédiatement inférieure à celle pour laquelle il aurait été sportivement qualifié la saison suivante, sous réserve des décisions éventuelles de la DNCG, et sans préjudice du paragraphe 5. ci-dessous concernant la situation d'un club en période d'observation à la date de reprise effective du championnat 2021/2022.
  4. Un club de Ligue 1 ou de Ligue 2 qui bénéficierait d'un plan de sauvegarde ou d'un plan de cession homologué par le tribunal antérieurement à la  reprise effective du championnat 2021/2022 sera admis à participer au championnat dans la division dans laquelle il aura été sportivement qualifié, sous réserve des décisions éventuelles de la DNCG.
  5. Un club de Ligue 1 ou de Ligue 2 qui serait en période d'observation dans le cadre d'une procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire à la date de la reprise effective du championnat 2021/2022, ne pourra prendre part à aucun championnat organisé par la LFP.
  6. Dans le cas d'un plan de cession homologué par le tribunal de commerce en cours de championnat 2020/2021 de Ligue l ou de Ligue 2, la société repreneur bénéficiera, à compter de sa date d'entrée en jouissance, de la continuité immédiate des droits sportifs et financiers nationaux du club dont elle a repris les actifs, au lieu et place de l'ancien club, à la condition sine qua non qu'elle s'engage à reprendre la totalité du passif [à l'exception du passif à l'égard des actionnaires], et que le projet de reprise ait reçu l'avis favorable préalable de la DNCG.
    A défaut de remplir la condition de continuité ci-dessus, la société repreneur ne pourra poursuivre le championnat en cours et démarrera la saison suivante dans une division inférieure [résultant automatiquement du classement de 20ème du club dont elle a repris les actifs], et sous réserve des décisions éventuelles de la DNCG. La DNCG sera chargée de contrôler, le cas échéant, le règlement du passif par la société repreneur.
  7. Les résolutions prises par I'Assemblée Générale de la LFP et le Conseil d'Administration antérieurement à la date de la reprise sont opposables de plein droit à la société repreneur, notamment les dispositions concernant les modalités de remboursement du PGE souscrit par la LFP, ainsi que de I'avance de trésorerie aux clubs effectuée par la LFP le 2 novembre 2020."

Par ailleurs, l'article 234 des Règlements Généraux de la FFF dispose que :

  1. "Lorsqu'un club fait l'objet d’une procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire, il est procédé au minimum, à sa rétrogradation dans la division immédiatement inférieure à celle pour laquelle il aurait été sportivement qualifié.
  2. Lorsque cette rétrogradation a pour effet de reléguer un club à statut professionnel en Championnat National 1, National 2 ou National 3, elle entraîne automatiquement le retrait de l'autorisation d'utiliser des joueurs professionnels. 
    Lorsque cette rétrogradation a pour conséquence de reléguer un club dans les championnats organisés par une Ligue régionale, cette dernière a toute compétence pour déterminer les conditions dans lesquelles ce club sera autorisé à poursuivre ses activités.
  3. Lorsqu'une des entités juridiques d'un club, visées à l'article 2 des Statuts de la F.F.F., fait l'objet d'un jugement de liquidation judiciaire, ce dernier entraîne automatiquement la déchéance des droits sportifs du club.
    T
    outefois le Comité Exécutif peut, à titre exceptionnel, décider d'une nouvelle affectation de tout ou partie de ces droits sportifs."


Il convient de noter qu’en cas de dépôt de bilan, une fédération sportive ne peut exclure un club du championnat en cours de saison s’il existe toujours des perspectives de redressement (CAA Versailles, 5 févr. 2009, Entente Sannois Saint-Gratien c/ Fédération française de football et Ligue de football professionnel, n° 07VE01769).

 

La mesure d’exclusion d’un championnat en cours de saison est en effet celle qui est la plus susceptible de porter atteinte au bon déroulement et à l’équité des compétitions (Conseil d’Etat, 19 juillet 2010, Entente Sannois Saint-Gratien c/ Fédération française de football et Ligue de football professionnel, n°325892).

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voir également

Le rôle de la DNCG 

En principe, l'article 11 du Règlement DNCG laisse aux organismes chargés du contrôle de gestion toute latitude pour retenir la ou les mesures qui leur paraissent, parmi celles prévues par le règlement, les mieux à même de remédier à la situation financière dégradée d'un club. 


La vocation de la DNCG de la FFF est en effet, conformément à l’article L. 132-2 du Code du sport, d’assurer le contrôle de la gestion administrative, financière et juridique des clubs engagés dans les championnats professionnels et amateurs de football, avec pour objectif d'assurer le déroulement loyal et régulier des compétitions officielles (Conseil d’Etat, Sect., 15 mai 1991, Assoc. Girondins de Bordeaux FC, Lebon 179). Cet objectif principal permet d'éviter d’une part, qu’un groupement sportif participe à un championnat pour lequel il ne dispose pas des moyens financiers requis et, d’autre part, qu’un club disparaisse en cours de championnat pour des motifs économiques.


En cas de difficultés financières, un club risquerait de ne pas présenter un budget qui lui permettrait une autorisation d’engagement pour l’année suivante. La performance économique est en effet prise en compte pour la promotion, le maintien ou la relégation d’un club. Par exemple la Commission fédérale de contrôle des clubs de la FFF a prononcé une mesure de rétrogradation administrative du FC Martigues en championnat National 3 à l'issue de l'exercice 2017/2018 car le club n'avait pas présenté les garanties nécessaires aux fins de garantir son équilibre budgétaire aux fins d'être engagé en championnat National 2 pour la saison 2018/2019.


Les conséquences du contrôle de la DNCG sont d'autant plus importantes en cas de procédure collective ouverte à l'encontre d'un club. 

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L'ouverture d'une procédure collective 

Lorsque l'entreprise rencontre des difficultés financières, elle peut engager devant le Tribunal de commerce une procédure préventive et confidentielle de règlement amiable des difficultés. Le but est de rétablir la situation de l'entreprise avant la cessation des paiements avec l'aide d'un mandataire ad hoc nommé par le président du tribunal.

                    

Si le débiteur justifie de difficultés qu'il n'est pas en mesure de surmonter mais sans être en cessation de paiements, une procédure de sauvegarde peut être ouverte à son encontre en vertu des articles L. 620-1 et s. du Code de commerce. Cette procédure est destinée à faciliter la réorganisation de l'entreprise afin de permettre la poursuite de l'activité économique, le maintien de l'emploi et l'apurement du passif. Elle donne lieu à un plan arrêté à l'issue d'une période d'observation.

                    

Le débiteur peut être en cessation de paiements. La cessation des paiements est l’impossibilité, pour un débiteur, de faire face à son passif exigible avec son actif disponible. Il s’agit de la cause d’ouverture de la procédure de redressement judiciaire ou de la liquidation judiciaire qui sera prononcée par un juge conformément aux dispositions du Code du commerce.

Le tribunal compétent est saisi alternativement :
  • sur déclaration du débiteur (« le dépôt de bilan »),
  • sur assignation d'un créancier,
  • d'office par le juge,
  • à la requête du ministère public.


En fonction des informations dont il dispose, le tribunal saisi décide d'ouvrir soit une procédure de redressement judiciaire, soit une procédure de liquidation judiciaire de l'entreprise si le redressement est manifestement impossible.


Le redressement judiciaire permet la poursuite de l'activité de l'entreprise, le maintien de l'emploi et l'apurement du passif. La procédure de redressement judiciaire donne lieu à un plan arrêté par jugement à l'issue de la période d'observation, qui est en principe un plan de continuation, exceptionnellement un plan de cession.


La liquidation judiciaire est quant à elle destinée à mettre fin à l'activité de l'entreprise ou à réaliser le patrimoine du débiteur par une cession globale ou séparée de ses droits et de ses biens.

Quid des conséquences de l'ouverture d'une procédure collective sur le contrat de travail d'un joueur ?

L'ouverture d'une procédure collective n'entraîne pas en soi la rupture des contrats de travail conclus entre le club et ses salariés. L'article L. 1243-1 du Code du travail, qui est d'ordre public et applicable au sportif professionnel salarié, prévoit en effet que :


"Sauf accord des parties, le contrat de travail à durée déterminée ne peut être rompu avant l'échéance du terme qu'en cas de faute grave, de force majeure ou d'inaptitude constatée par le médecin du travail."

rétrogradation sportive et contrat des joueurs de football professionnel

Dès lors, les contrats se poursuivent "normalement" durant la période dite d’observation. Par ailleurs, la mise en redressement judiciaire d’un club ne constitue pas un cas de force majeure justifiant la rupture des contrats de travail de ses joueurs (Cass. soc., 6 mai 1998, n° 96-40.867), de même que la liquidation judiciaire (Cass. soc., 20 oct. 1993, n° 91-43.922).

 

Ainsi, la rupture anticipée d'un contrat de travail par un club doit être déclarée abusive, en l’absence de faute grave de la part du sportif. Il importe peu par ailleurs que le club ait ou non perdu son statut de club professionnel et à quelle date (Cour d'appel de Colmar, 10 novembre 2016, n° 4 A 15/00810).

A noter qu'en cas de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire d'un club, la loi garantit le paiement de toutes "les sommes dues aux salariés à la date du jugement d'ouverture de toute procédure de redressement ou de liquidation judiciaire" (C. trav., art. L. 3253-8), dans la limite d'un plafond. Le salarié est donc assuré contre le risque de non-paiement des créances résultant du contrat de travail (salaires dus, primes, indemnités). Cette assurance est dénommée AGS (Association pour la gestion du régime d’assurance des créances des salariés) qui est financée par une cotisation patronale obligatoire.

DNCG rétrogradation sportive

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