
Selon un arrêt récent de la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE 6ème chambre 10 déc. 2020, aff. C-774/19), ne perd pas la qualité de consommateur la personne jouant au poker en ligne un grand nombre d’heures par jour, qui possède des connaissances étendues et perçoit des gains importants issus de ce jeu.
Les faits : un joueur de poker régulier et vivant de ses gains


Procédure et question posée à la CJUE : le joueur assidu perd-il sa qualité de consommateur ?
Les juridictions du fond slovènes ont reconnu leur compétence en retenant que l’utilisateur avait agi en tant que consommateur lorsqu’il a ouvert son compte utilisateur sur le site internet de la société. Saisie d’un pourvoi en révision, la Cour suprême de Slovénie s’interroge sur la compétence des juridictions slovènes. La réponse à cette question dépend selon elle du point de savoir si l’utilisateur a conclu avec la société un contrat en tant que « consommateur, pour un usage pouvant être considéré comme étranger à son activité professionnelle », au sens de l’article 15 §1 du règlement n°44/2001. La Cour suprême slovène décide alors de surseoir à statuer et pose à la CJUE la question préjudicielle suivante :
« L’article 15, paragraphe 1, du règlement n° 44/2001 doit-il être interprété en ce sens qu’il convient de considérer aussi comme un contrat conclu par un consommateur à des fins étrangères à son activité professionnelle un contrat pour jouer au poker sur Internet, conclu à distance par un particulier avec un exploitant étranger de jeux sur Internet et soumis aux conditions générales déterminées par ce dernier si le particulier a vécu pendant plusieurs années des revenus perçus et des gains tirés des parties de poker bien qu’il n’ait pas officiellement déclaré une telle activité et qu’il n’offre pas non plus cette activité sur le marché aux tiers en tant que service payant ? »
Réponse de la CJUE
La Cour de Justice de l'Union Européenne précise :
« une personne physique domiciliée dans un État membre qui, d’une part, a conclu avec une société établie dans un autre État membre un contrat pour jouer au poker sur internet et, d’autre part, n’a ni officiellement déclaré une telle activité ni offert cette activité à des tiers en tant que service payant ne perd pas la qualité de « consommateur », même si elle joue à ce jeu un grand nombre d’heures par jour, possède des connaissances étendues et perçoit des gains importants issus de ce jeu. »
Sur le montant des gains
Le jeu de poker est un jeu de hasard comportant aussi bien le risque de perdre les sommes investies que la chance de gager des montants importants. Il ne serait alors pas compatible avec l’objectif de prévisibilité des règles de compétences poursuivi par le règlement de déterminer la compétence juridictionnelle, et donc la qualité de consommateur ou de professionnel, en fonction du montant gagné ou perdu.
Sur le niveau de connaissances
La notion de consommateur présente un caractère objectif et est indépendante des connaissances et informations dont la personne concernée dispose réellement. La qualité de consommateur doit être examinée au regard uniquement de la position d’une personne dans un contrat déterminé, compte tenu de la nature et de la finalité de celui-ci.
Sur la régularité de l’activité
La régularité d’une activité est un élément parmi d’autres à prendre en compte et ne détermine pas, à elle seule, la qualification à retenir à l’égard d’une personne physique au regard de la notion de « professionnel ». La Cour fonde surtout sa décision sur le fait que cette activité ne donne pas lieu à la vente de biens ni à une prestation de services.
