Poker : les gains dun joueur professionnel imposables comme bénéfices non commerciaux

Scpa BERTRAND
30.03.17 00:02 Commentaire(s)
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La Cour administrative d'appel de Paris vient de confirmer, par un arrêt du 7 février 2017, que les gains d’un joueur professionnel de poker sont imposables comme des bénéfices non commerciaux.

Retour sur les faits et la procédure

À l'issue d'un examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle et d'une vérification de comptabilité de son activité de joueur de poker, le requérant a été assujetti à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu au titre des années 2009 et 2010, en application des dispositions de l'article 92.1 du Code Général des Impôts.

Il a contesté ce surplus de cotisations devant le Tribunal administratif de Paris qui a rejeté sa demande en décharges de ces impositions par un jugement du 3 décembre 2015.

Il a donc fait appel devant la Cour administrative d'appel de Paris.

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Sur l'application de la Loi fiscale aux gains de jeu de poker

Selon l'article 92 du Code Général des Impôts :

"Sont considérés comme provenant de l'exercice d'une profession non commerciale ou comme revenus assimilés aux bénéfices non commerciaux, les bénéfices des professions libérales, des charges et offices dont les titulaires n'ont pas la qualité de commerçants et de toutes occupations, exploitations lucratives et sources de profits ne se rattachant pas à une autre catégorie de bénéfices ou de revenus".

Pour la Cour, "si le jeu de poker fait intervenir des distributions aléatoires de cartes, un joueur peut parvenir, grâce à l'expérience, la compétence et l'habileté à atténuer notablement le caractère aléatoire du résultat et à accroître de façon sensible sa probabilité de percevoir des gains importants et réguliers".

Ainsi, si une personne se livre à une pratique habituelle de ce jeu dans l'intention d'en tirer des bénéfices, lesdits bénéfices doivent être regardés comme tirés d'une occupation lucrative ou d'une source de profits au sens des dispositions de l'article 92 du code général des impôts, et imposables en application de cet article

Les juges écartent également l'argument du requérant qui estimait que le joueur de poker subissait une double taxation de ses revenus du fait de l'acquittement de taxes qui ne sont, cependant, "pas assises sur les gains de jeu selon la Cour".

Considérant, notamment, "qu'il n'a perçu aucun revenu professionnel pendant les deux années en cause", eu égard au caractère habituel de cette activité génératrice de revenus importants, et alors même que l'intéressé n'aurait participé qu'à sept tournois au cours des années concernées, que d'autres joueurs auraient des revenus très supérieurs, et que les opérations de sponsoring du type de celle en cause seraient des opérations publicitaires réalisées par les sponsors, le joueur "doit être regardé comme ayant exercé, au cours des deux années en cause, une activité lucrative de joueur de poker lui procurant des profits réguliers imposables dans la catégorie des bénéfices non commerciaux en application de l'article 92 précité".

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Sur le bénéfice de la doctrine administrative

Le joueur se prévaut de la documentation de base 5 G 116 (n° 118) du 15 septembre 2000, aux termes de laquelle :

"La pratique, même habituelle, de jeux de hasard tels que loteries, tombolas ou jeux divers, ne constitue pas une occupation lucrative ou une source de profits devant donner lieu à imposition au nom des personnes participant à ces jeux".

Néanmoins, les juges indiquent "que la doctrine ainsi invoquée, dont le juge de l'impôt est tenu de faire une application littérale, sans se livrer à son interprétation, ne fait pas mention du jeu de poker et ne définit pas la notion de jeu de hasard".

De plus, "la circonstance que la doctrine administrative ait évolué postérieurement aux années d'imposition, dans le sens de la taxation des gains réalisés au poker dans un cadre professionnel, est en tout état de cause inopérante".

Aussi la demande du joueur de poker est rejeté par la Cour d'appel.

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 Selon divers commentaires, la Cour innove puisqu’elle n’utilise pas, pour soumettre les gains du poker à l’impôt sur le revenu, le critère d’une pratique du jeu dans des conditions assimilables à l’exercice d’une activité professionnelle (telle était la solution retenue par le Tribunal administratif de Paris dans un jugement du 25 novembre 2015), mais celui de "l'expérience, la compétence et l'habileté [du joueur] à atténuer notablement le caractère aléatoire du résultat et à accroître de façon sensible sa probabilité de percevoir des gains importants et réguliers". 

Scpa BERTRAND