TPO : la confirmation de la sentence du TAS par le Tribunal Fédéral suisse dans l'affaire RFC Seraing c/ FIFA

Scpa BERTRAND
15.03.18 12:06 Commentaire(s)
cabinet d'avocat en droit du sport

Le club du RFC Seraing et la société Doyen Sport ont présenté une plainte devant le TAS (Tribunal Arbitral du Sport) considérant que le règlement FIFA interdisant le recours à la TPO contrevenait à la libre entreprise et à la libre concurrence. Le TAS a confirmé la validité du règlement FIFA au regard du droit communautaire. Estimant que la sentence du TAS contrevenait à l'ordre public suisse et que le tribunal ne présentait pas les garanties suffisantes d'un tribunal arbitral indépendant, le club a formé un recours devant le Tribunal Fédéral suisse. Par décision du 20 février 2018, le Tribunal Fédéral a rejeté le recours.

Définition de la TPO

Selon la définition du Tribunal Fédéral suisse, la TPO ou tierce propriété des joueurs "consiste pour un club de football professionnel à céder, totalement ou partiellement, à un tiers investisseur ses droits économiques sur un joueur, de manière à ce que cet investisseur puisse bénéficier de l'éventuelle plus-value que le club réalisera lors du transfert futur du joueur. En contrepartie, l'investisseur fournit une aide financière à ce club pour lui permettre de résoudre des problèmes de trésorerie ou l'aider à acquérir un joueur, entre autres objectifs".

Depuis décembre 2014, cette pratique est interdite par les règlements FIFA à l'article 18 ter du Règlement du Statut et du Transfert des Joueurs de la FIFA :

"Aucun club ou joueur ne peut signer d'accord avec un tiers permettant à celui-ci de pouvoir prétendre, en partie ou en intégralité, à une indemnité payable en relation avec le futur transfert d'un joueur d'un club vers un autre club, ou de se voir attribuer tout droit en relation avec un transfert ou une indemnité de transfert futur(e)".

La FIFA en agissant ainsi souhaitait "préserver l'indépendance des clubs et des joueurs et garantir l'intégrité des matches et des compétitions".

avocat spécialisé en droit du sport

Retour sur les faits et la procédure

En janvier 2015, le RFC Seraing a signé un contrat de tierce propriété avec le fonds d'investissement Doyen Sports refusant ainsi de respecter l'interdiction de la TPO.

En septembre 2015, la FIFA a sanctionné le RFC Seraing d'une amende de 136.000 euros et d'une interdiction de recrutement de deux ans (soit quatre périodes de recrutement) pour "infractions aux règles relatives à la propriété des droits économiques des joueurs par des tiers (TPO)". Il s'agissait alors du premier Club sanctionné du fait de la violation de l'interdiction des TPO. Le RFC Seraing a engagé une procédure à l'encontre de la FIFA et de l'UEFA afin de faire annuler cette sanction devant le TAS.

Ou prendre un RDV en visio en ligne

La conformité de l'interdiction de la TPO au regard du droit communautaire prononcée par le TAS

Lors de sa sentence, en date du 9 mars 2017 à Lausanne, le Tribunal arbitral du sport (TAS) a confirmé la validité des règlements de la FIFA :

"En tout état de cause et à titre surabondant, la Formation arbitrale, après avoir relevé que la question des objectifs légitimes a été traitée de manière essentiellement identique par chacune des parties dans le cadre de leurs moyens et arguments relatifs au droit de la concurrence et aux libertés de circulation et en renvoyant, par économie de motifs à ses constatations relatives aux libertés de circulation quant à la légitimité de ces objectifs et la justification des mesures, considère que, tant au regard de l’article 101 du TFUE, qu’au regard de l’article 102 du TFUE les objectifs légitimes poursuivis par la FIFA sont de nature à justifier les atteintes au droit de la concurrence, invoquées mais non établies par l’Appelant".

Le TAS a en revanche réduit la durée de l'interdiction de recrutement, "trop sévère" selon lui, à trois mercatos consécutifs.

Par un communiqué de presse, publié le 10 mars 2017, la FIFA s'est félicitée de cette décision :

"Après avoir étudié en détail les éléments portés à son attention sur la base des dispositions juridiques pertinentes - majoritairement liées au droit de l’Union européenne - et malgré la réduction de la sanction initiale de quatre à trois périodes d’enregistrement, le TAS a reconnu et confirmé la validité de la sanction imposée par la FIFA concernant la propriété des droits économiques des joueurs par des tiers (TPO)."

Tribunal arbitral du sport TAS-CAS

L'irrecevabilité du recours devant le Tribunal Fédéral suisse

Faisant appel de la décision du TAS, le RFC Seraing forme un recours en matière civile devant le Tribunal Fédéral suisse afin de faire annuler la décision du 9 mars 2017. Le club faisait valoir, d'une part, que le TAS ne constituait pas un véritable tribunal arbitral du fait de sa dépendance vis-à-vis des institutions sportives internationales et notamment de la Fifa - il invoquait ainsi un manque d'indépendance structurelle et financière du TAS - et, d'autre part, que la sentence du TAS était incompatible avec l'ordre public matériel suisse au sens de l'article 190 al. 2 du LDIP (Loi fédérale suisse sur le droit international privé).

Par un arrêt du 20 février 2018, le Tribunal Fédéral rejette le recours du club.

(1) Sur le manque d'indépendance du TAS, se fondant largement sur une décision du Tribunal fédéral allemand (Bundesgerichtshof, 7 juin 2016, n° KZR 6/15, Claudia Pechstein c/ Union internationale de patinage (ISU)) reconnaissant au TAS le statut de tribunal arbitral indépendant, le Tribunal Fédéral suisse a rejeté les prétentions du club considérant que "le Tribunal fédéral n'a ainsi aucune raison de revenir sur une jurisprudence fermement établie. Seuls pourraient le pousser à le faire des motifs impérieux qui commanderaient de ne pas assimiler la FIFA aux autres FI sous le rapport de son indépendance d'avec le TAS. Or, la Cour de céans n'a pas trouvé d'arguments suffisamment forts, dans le mémoire du recourant, au point de justifier de faire de la FIFA un cas à part sous cet angle-là".

(2) Sur la violation par la sentence du TAS de l'ordre public suisse, l'article 190 du LDIP sur lequel se fonde le recours du  RFC Seraing dispose que "1. La sentence est définitive dès sa communication. / 2.  Elle ne peut être attaquée que: […] e) lorsque la sentence est incompatible avec l'ordre public". Or, comme le rappelle le Tribunal Fédéral suisse dans sa décision, "une sentence est incompatible avec l'ordre public si elle méconnaît les valeurs essentielles et largement reconnues qui, selon les conceptions prévalant en Suisse, devraient constituer le fondement de tout ordre juridique (ATF 132 III 389 consid. 2.2.3 [Tribunal fédéral, 8 mars 2006, n° 4P.278/2005, arrêt Tensacciai]). On distingue un ordre public procédural et un ordre public matériel".

Le club estimait que la sanction était gravement disproportionnée, au point de violer l'ordre public matériel. Cependant, le Tribunal Fédéral a jugé que "le recourant confond, de toute évidence, le Tribunal fédéral statuant sur un recours en matière d'arbitrage international avec une cour d'appel autorisée à revoir librement la mesure de la peine infligée à un condamné par une instance pénale inférieure et à prendre en compte, à cette fin, toutes les circonstances factuelles pertinentes ".

Le Tribunal Fédéral déclare donc le recours irrecevable.

meilleur cabinet d'avocat en droit du sport
Ce Tribunal officiant en dernier recours, le club ne peut formuler un recours à l'encontre de cette décision et de l'État suisse que devant la Cour européenne des Droits de l'Homme en invoquant un manquement à l'un des grands principes énoncés dans la Convention européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme.

Scpa BERTRAND