Football : les retenues sur salaire assimilées à des sanctions pécuniaires interdites

Scpa BERTRAND
04.02.17 23:47 Commentaire(s)
sanction disciplinaire et retenue illégale de salaire d'un sportif professionnel - avocat

Par un jugement du 18 mars 2013, le Conseil de Prud'hommes de Lyon a annulé une retenue sur salaire décidée par un club de football professionnel à l'encontre d'un de ces joueurs. Pour les juges, cette retenue est une sanction pécuniaire prohibée par le Code du travail. Le Cabinet Bertrand est le Conseil du joueur dans cette affaire.

Suspension prononcée par la Fédération (4 matches) et retenues sur salaire par le club employant le joueur professionnel de Ligue 1 de football

Un joueur professionnel de football, sous contrat avec un Club de Ligue 1, est sanctionné par la Fédération Française de Football d'une suspension de 4 matches fermes au motif d'un comportement antisportif lors d'une rencontre avec l'équipe réserve.

Suite à cette suspension, le Club, "conformément aux prescriptions de la charte du football français et du règlement intérieur du club", a décidé de retenir sur le salaire du Joueur "la somme brute de 64.000€ correspondant au 16/30ème relatif à la suspension", et en complément "la somme brute de 36.000 € sur les primes de challenges" qui lui restaient dues.

Une partie de ces sommes, à hauteur de 48.000€, sera par la suite restituée au Joueur.

A la fin de son contrat avec le Club, le Joueur saisit la juridiction prudhommale afin de faire déclarer la sanction pécuniaire illégale et sollicite la restitution des 52.000€ restant dus.

Pour le Joueur, "l'interdiction des sanctions pécuniaires a un caractère d'ordre public auquel il est impossible de faire échec, même par une disposition du contrat de travail".

Le Club considère pour sa part que cette retenue, prévue par la Charte du Football Professionnel, qui a valeur de convention collective, est licite.

Le texte de la Charte a, depuis les faits, été modifié. En effet l'article 614, précisant la liste des sanctions possibles, ne prévoit plus de retenue sur salaire :

"ARTICLE 614 SANCTIONS

(…) 6. Confirmation de sanctions prises par la FFF, la LFP ou toutes autres instances officielles : 

a) Avertissement ou suspension avec sursis : Lettre d’avertissement ; 

b) Suspension sans sursis : lettre d’avertissement et possibilité, selon la nature de la faute commise, d’une mise à pied disciplinaire de quatre jours par match officiel de suspension, avec un maximum de 15 jours mensuels". 

A titre informatif, l'ancien article 607 était ainsi rédigé : 

"ARTICLE 607 SANCTIONS

(…) 12. Confirmation de sanctions prises par la FFF, la LFP ou toutes autres instances officielles :

a) avertissement ou suspension avec sursis : lettre d’avertissement.

b) suspension sans sursis : lettre d’avertissement et possibilité, selon la nature de la faute commise, d’une réduction de salaire pouvant être fixée à 4/30e du salaire mensuel fixe par match officiel de suspension, avec un maximum de 50 % du salaire mensuel fixe".

sanction pécunière interdite dans le sport - avocat

Retenue sur salaire = sanction pécuniaire illégale et interdite

Le Conseil de prud'hommes a donc recherché la nature juridique de la retenue de salaire : doit-elle s'analyser, oui ou non, en une sanction pécuniaire ?

Selon le Juge départiteur, la décision du Club est fondée sur l'article 607 de la Charte (dans sa rédaction au moment des faits) qui définit une échelle des sanctions. Selon lui, cet article 607 "érige bien un code disciplinaire".

Le juge en déduit que la "sanction fondée sur l'application de cette disposition conventionnelle s'analyse ainsi nécessairement en une sanction disciplinaire".

Or, l'article L.1331-2 du Code du travail interdit les sanctions pécuniaires. La décision du Club est donc illégale.

En conséquence, le Conseil de Prud'hommes décide d'annuler la sanction et condamne le Club a versé 52.000 € au joueur à titre de rappel de salaire (ainsi que le paiement des intérêts légaux).

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