
Le 15 décembre 2025, le Stade Toulousain a été condamné par le Conseil de Discipline du rugby français pour « comptabilisation erronée et/ou frauduleuse et/ou financements détournées » dans le cadre de l’affaire du transfert de M. Melvyn JAMINET. Le Stade Toulousain se voit donc sanctionné d’un retrait de quatre points - dont deux avec sursis - ainsi que d’une amende de 45 000 € - dont 15 000 € avec sursis. (Décision)
Avant sa convocation à l’audience, par le biais d’un communiqué repris par la presse (Article l’Equipe du 25 novembre 2025) le Stade Toulousain s’interrogeait sur la possibilité d’être sanctionné une seconde fois pour ce transfert, compte tenu de la somme qu’il avait déjà versée dans le cadre de l’accord de médiation intervenu avec la Ligue Nationale de Rugby (LNR) en mars 2025.
Par sa décision du 15 décembre 2025, le Conseil de discipline du rugby français a répondu au Club par l’affirmative, en justifiant cette seconde sanction par un fondement juridique distinct.
I. La sanction prononcée au titre de la « comptabilisation erronée et/ou frauduleuse et/ou financements détournées »
Au cours de la saison sportive 2021-2022, M. Melvyn JAMINET évoluait à Perpignan (USAP) et selon la presse (Article l’Equipe du 21 mars 2025), son contrat de travail devait encore durer pendant deux saisons supplémentaires.
Cependant, conformément à l’article 10.2.2 de la Convention collective du rugby professionnel, une clause « de résiliation unilatérale anticipée acceptée » était prévue dans son contrat, moyennant le versement « d’une indemnité contractuelle » 450 000 €.
A l’été 2022, afin d’être transféré au Stade Toulousain, M. Melvyn JAMINET a payé à l’USAP cette « indemnité contractuelle » de 450 000 €. Cette somme ayant été payée par le joueur, n’est pas apparue dans les comptes du Stade Toulousain.
C’est dans ce contexte que la CCCP de l’A2R a souhaité procéder à des investigations avant qu’elle ne transfère ce dossier au Conseil de discipline du rugby français dans sa formation « régulation », conformément au « Règlement et barèmes disciplinaires » prévu au titre V des Règlements généraux de la FFR.
Le Conseil de discipline a considéré que le Club avait commis l’infraction de « comptabilisation erronée et/ou frauduleuse et/ou financements détournées » prévue à l’article 3.1.4 de l’Annexe VIII « Régulation administrative, juridique et financière », dans sa version applicable en 2022, cité supra.
Il a, en effet, retenu que « les flux financiers entre le club et les sociétés PACIFIC HEART – RUGBY STORE, présentés notamment comme une convention d’agence visant à organiser une tournée du Stade Toulousain en Polynésie Française, avaient en réalité notamment servi à régler les conséquences financières du départ de M. Melvyn JAMINET du club de l’USAP et que ce montage participait d’un habillage juridique et financier visant à détourner des financements de leur véritable objet ».
Le Stade Toulousain a finalement été condamné à un retrait de 4 points – dont 2 avec sursis – ainsi qu’à une amende de 45 000 € - dont 15 000 € avec sursis.
Le Club dispose d’un délai de sept jours pour interjeter appel de cette décision devant la Commission d’appel de la FFR.
L’Autorité de Régulation du Rugby (l'A2R)
Conformément aux dispositions de l’article L.132-2 du Code du Sport, les fédérations qui ont constitué une ligue professionnelle ont l’obligation de créer un organisme dont le rôle est « d’assurer le contrôle administratif, juridique et financier des associations et sociétés sportives qui sont membres de la fédération ou de la ligue professionnelle […] ».
Reprenant cette obligation, dès 1999, la Fédération Française de Rugby (FFR) a créé la Direction Nationale d’Aide et de Contrôle de Gestion (DNACG), devenue en 2022, l’Autorité de Régulation du Rugby (A2R).
La règlementation de l’A2R, cogérée par la FFR et la LNR, est prévue au sein de l’Annexe VIII « Régulation administrative, juridique et financière » des Règlements généraux de la FFR et notamment de son Annexe 2 pour les championnats professionnels.
L’article 2 de cette Annexe précise que l’A2R se compose :
- Du « Salary Cap Manager »u « Salary Cap Manager »u « Salary Cap Manager » : « dont les rôles et prérogatives sont prévus par le Règlement relatif à l’éthique et l’équité sportive adopté par la LNR » ;
- De commissions et ommissions et ommissions et notamment la Commission de Contrôle des Championnats Professionnels (CCCP) : elles peuvent « diligenter des opérations de contrôle, prescrire des actions de régulation, ordonner des mesures d’instruction, appliquer des forfaits automatiques et engager des poursuites auprès du conseil de discipline du rugby français ».
C’est sur le fondement de cet article que la CCCP a mené des investigations sur le transfert de M. Melvyn JAMINET au Stade Toulousain à l’été 2022, avant que le Conseil de discipline du rugby français ne rende sa décision le 15 décembre 2025.

Le cumul possible avec la condamnation au titre du « salary cap »
En amont de sa convocation à l’audience devant le Conseil de discipline le 8 décembre 2025, le Stade Toulousain avait invoqué par le biais d’un communiqué de presse repris par la presse (l’Equipe du 25 novembre 2025) son impossibilité d’être sanctionné une seconde fois pour ce dossier.
Implicitement, le Club sollicitait ainsi l’application du principe de procédure pénale « non bis in idem » aux termes duquel personne ne peut être poursuivi ou puni pénalement deux fois à raison des mêmes faits.
En effet, en mars 2025, le Club avait déjà été mis en cause dans le dossier du transfert de M. Melvyn JAMINET par un rapport du « salary cap manager » pour une infraction au Règlement « relatif à l’éthique et à l’équité sportive – salary cap » de la LNR.
Conformément à l’article 10 de ce Règlement, le Stade Toulousain avait alors saisi la Chambre de la médiation et un accord avait été trouvé avec la LNR. Selon un communiqué officiel du Stade Toulousain, aux termes de cet accord, le Club devait s’acquitter « d’une contribution » de 1,3 millions € pour qu’il soit « mis fin au différend relatif au Règlement Salary Cap ».
Il convient toutefois de s’interroger sur la nature de la « contribution » versée par le Club dans le cadre de l’accord de médiation. En effet, l’accord de médiation pourrait être conclu précisément pour dans le but d’éviter une sanction.
Dans ce cas, si la contribution versée par Stade Toulousain dans le cadre de l’accord de médiation ne revêt pas la qualification de sanction, le principe « non bis in idem » ne peut être invoqué.
En tout état de cause, le Club estimait avoir fait l’objet d’une première sanction par la LNR et à ce titre, considérait ne pas pouvoir faire l’objet d’une seconde par le Conseil de discipline du rugby français, pour les mêmes faits.
En effet, le Stade Toulousain estimait que les deux instances de poursuites, CCCP d’une part et « salary cap manager » d’autre part, relèvent toutes deux de l’A2R (cf l’article 2 de l’Annexe VIII « Régulation administrative, juridique et financière » cité supra).
Certes, s’agissant de la nature et du quantum des sanctions, le Conseil de discipline indique avoir tenu compte de « la contribution financière déjà versée par le club dans le cadre de l’accord de médiation intervenu à raison des faits en cause au titre des dispositions spécifiques au règlement du Salary Cap ».
Toutefois, en sanctionnant le Stade Toulousain le 15 décembre 2025, le Conseil de discipline du rugby français semble avoir, au moins implicitement, rejeté l’argument du Club, au motif, peut-être, que les infractions visées étaient ici différentes :
- Une sanction prononcée par la LNR à la suite de poursuites entamées par le « salary cap manager » pour une infraction aux règles relatives au « salary cap » ;
- Une sanction prononcée par le Conseil de discipline pour des poursuites entamées par la CCCP de l’A2R pour une infraction à la « comptabilisation erronée et/ou frauduleuse et/ou financements détournées ».
D’ailleurs, les fondements invoqués pour justifier des sanctions prononcées à l’encontre du Club semblent également différents : le premier repose sur le Règlement « relatif à l’éthique et à l’équité sportive – salary cap » des règlements généraux de la LNR tandis que le second trouve sa source dans le Règlement « Régulation administrative, juridique et financière » des Règlements Généraux de la FFR.
Enfin, le caractère de la sanction varie également dans la mesure où la somme versée au titre de l’accord trouvé avec la LNR en mars 2023 correspond à une sanction financière alors que la seconde prononcée par l’A2R est une sanction qualifiée de sportive, qui se traduit notamment par un retrait de deux points ferme au classement du Top 14.
En cas d’appel du Stade Toulousain, cette question pourra de nouveau être débattue.
L’ouverture d’une enquête préliminaire par le Parquet de Toulouse
Le transfert de M. Melvyn JAMINET au Stade Toulousain pourrait même conduire le Club à faire l’objet d’une troisième sanction, cette fois une condamnation pénale, puisque selon un article de presse (l’Equipe du 25 novembre 2025), le Procureur de Toulouse a informé avoir ouvert une enquête préliminaire.
Le Parquet devra déterminer si le montage financier mis en place par le Club peut revêtir la qualification d’abus de confiance qui, conformément à l’article 314-1 du Code Pénal, est « le fait par une personne de détourner, au préjudice d'autrui, des fonds, des valeurs ou un bien quelconque qui lui ont été remis et qu'elle a acceptés à charge de les rendre, de les représenter ou d'en faire un usage déterminé. »
Dans sa décision, le Conseil de discipline a d’ailleurs estimé avoir tenu compte « de la gravité du manquement aux règlements de l’A2R, sans préjuger de leur qualification pénale qui pourrait être retenue par la suite ».

En conclusion, cette décision du Conseil de discipline du 15 décembre 2025 affirme que le principe "non bis in idem" ne fait pas obstacle au cumul de sanctions lorsque les infractions reposent sur des fondements juridiques distincts – dans le cadre du transfert de M. Melvyn JAMINET, une infraction au Règlement « salary cap » de la LNR d'une part, et une infraction pour « comptabilisation erronée et/ou frauduleuse et/ou financements détournées » relevant des Règlements généraux de la FFR d'autre part.
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[16.01.2020]





