
Le Tribunal Arbitral du Sport (TAS) jouera un rôle crucial lors des Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024. Sa compétence exclusive, fondée sur la Charte Olympique, lui permet de trancher rapidement les litiges sportifs pendant l'événement. Le TAS met en place une Chambre ad hoc et une Chambre anti-dopage, avec des procédures accélérées adaptées aux contraintes olympiques. Ces instances peuvent rendre des décisions en 24 heures, impactant directement l'éligibilité des athlètes et le déroulement des compétitions.
I. Compétence et base juridique du TAS pendant les JO
A. Compétence du TAS
« Tout litige concernant la validité, l'interprétation ou l'exécution du Contrat ville hôte sera résolu de façon concluante par voie d'arbitrage, à l'exclusion des tribunaux étatiques de Suisse, du Pays hôte ou de tout autre pays, et jugé par le Tribunal Arbitral du Sport conformément au Code de l'arbitrage en matière de sport dudit tribunal. »
L'insertion de cette clause compromissoire dans le contrat de ville hôte est autorisée par l'article 6 de la Loi n° 2018-202 du 26 mars 2018 :
« Par dérogation à l'article 2060 du code civil, le contrat de ville hôte, signé le 13 septembre 2017 entre, d'une part, le Comité international olympique et, d'autre part, la Ville de Paris et le Comité national olympique et sportif français, ainsi que les conventions d'exécution de ce contrat conclues à compter du 13 septembre 2017 entre les personnes publiques et le Comité international olympique ou le Comité international paralympique en vue de la planification, de l'organisation, du financement et de la tenue des Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 peuvent comporter des clauses compromissoires. »
« Tout différend survenant à l'occasion des Jeux Olympiques ou en relation avec ceux-ci sera soumis directement au Tribunal Arbitral du Sport (TAS), conformément au Code de l'arbitrage en matière de sport. »

B. Fonctionnement du TAS
Si l'ensemble de ces textes fondent la compétence générale du TAS, c'est le Règlement d'arbitrage pour les Jeux Olympiques, adopté par le Conseil International de l'Arbitrage en matière de Sport (CIAS), qui précise les modalités de fonctionnement de la Chambre ad hoc mise en place spécifiquement pendant les JOP.
- Le litige doit être couvert par la Règle 61 de la Charte Olympique et survenir pendant les Jeux ou dans les 10 jours précédant la cérémonie d'ouverture ;
"Le présent règlement a pour but d'assurer, dans l'intérêt des athlètes et du sport, la résolution par la voie de l'arbitrage des litiges couverts par la Règle 61 de la Charte Olympique, dans la mesure où ils surviennent pendant les Jeux Olympiques ou pendant une période de dix jours précédant la Cérémonie d'ouverture des Jeux Olympiques." - En cas de contestation d'une décision d'une instance sportive (CIO, CNO, fédération internationale, comité d'organisation), le demandeur doit avoir épuisé au préalable les voies de recours internes, sauf si cela rendrait inefficace un recours à la Chambre ad hoc. En effet, l'article 1er du Règlement d'arbitrage pour les Jeux Olympiques dispose :
"Dans le cas d'une demande d'arbitrage contre une décision rendue par le CIO, par un CNO, par une Fédération Internationale ou par le Comité d'organisation des Jeux Olympiques, le demandeur/la demanderesse doit, avant de déposer sa demande, avoir épuisé les voies de recours internes dont il/elle dispose en vertu des statuts ou règlements de l'organisme sportif concerné, à moins que le temps nécessaire à l'épuisement des voies de recours internes ne rende inefficace un recours à la Chambre ad hoc du TAS."
À noter qu’en matière de dopage, le CIO a délégué ses pouvoirs pour statuer sur toute violation du Code mondial anti-dopage survenant à l’occasion des JOP à la Chambre anti-dopage du TAS (CAD TAS). Sa compétence exclusive « d’autorité de première instance » est établie par la Règle 59.2.4 de la Charte Olympique et les Règles antidopage du Comité International Olympique (CIO).
II. Organisation et procédures spécifiques aux JOP
A. Chambres spécifiques
Pendant les JOP de Paris 2024, le TAS mettra en place deux chambres spécifiques pour traiter les litiges survenant lors de cet événement : la Chambre ad hoc et la Chambre anti-dopage (CAD TAS).
La Chambre ad hoc est composée d'arbitres sélectionnés parmi ceux figurant sur la liste générale du TAS et présents aux JO, conformément à l'article 3 du Règlement d'arbitrage pour les Jeux Olympiques. Un président et un co-président, élus par le Bureau du CIAS, assurent la direction de la Chambre (article 4 du Règlement). Un greffe est également établi sur le site des JO pour gérer les aspects administratifs de la procédure (article 5 du Règlement).
La procédure d'arbitrage devant la Chambre ad hoc est conçue pour être rapide et efficace. Cette procédure est gratuite, bien que les parties doivent s'acquitter de leurs propres frais d'avocat, d'experts, de témoins et d'interprètes (article 22 du Règlement). Elle est déclenchée par le dépôt d'une demande écrite au greffe, rédigée en anglais, en français ou en espagnol (article 10 du Règlement). Le président de la Chambre ad hoc constitue alors une formation de trois arbitres (ou un arbitre unique si les circonstances le permettent) pour traiter le litige (article 11 du Règlement). L'audience, qui peut être tenue en présentiel, par visioconférence ou en hybride, permet aux parties de présenter leurs arguments et leurs preuves (article 15 c) du Règlement). La formation arbitrale rend ensuite sa décision dans un délai de 24 heures, sauf prolongation exceptionnelle (article 18 du Règlement).
Parallèlement, la Chambre anti-dopage (CAD TAS), qui est une structure permanente du TAS opérationnelle tout au long de l'année, est spécifiquement compétente pour les violations des règles antidopage survenant pendant les JOP. Bien qu'elle existe en permanence, la CAD TAS adopte un fonctionnement spécifique pendant les Jeux Olympiques pour répondre aux exigences particulières de cet événement majeur. Sa structure et son organisation sont similaires à celles de la Chambre ad hoc, avec un président, des arbitres spécialisés et un greffe dédié. Cependant, la procédure suivie par la CAD TAS présente certaines spécificités pour s'adapter aux enjeux particuliers de la lutte contre le dopage dans le contexte olympique. Les délais peuvent être encore plus courts et les mesures provisoires (suspension provisoire) plus fréquentes. La CAD TAS applique le Code mondial antidopage et les règles antidopage du CIO, tout en tenant compte des contraintes spécifiques liées au calendrier serré des compétitions olympiques.
B. Procédures spécifiques
Ces procédures spécifiques aux JOP se distinguent des procédures ordinaires du TAS à plusieurs égards. Tout d'abord, les délais sont considérablement raccourcis pour permettre une résolution rapide des litiges, compatible avec le calendrier des compétitions olympiques. Ensuite, la constitution des formations arbitrales est simplifiée, avec la possibilité de recourir à un arbitre unique. Enfin, l'audience peut se tenir à distance, par vidéoconférence ou conférence téléphonique, pour gagner en efficacité.
- Rendre une sentence finale ;
- Rendre une ordonnance de renvoi à la procédure habituelle du TAS, si les prétentions des parties, la complexité de l'affaire ou la nécessité de mesures d'instruction le justifient.
La sentence est prise à la majorité ou par le Président statuant seul et est communiquée sans délai aux parties, avec ou sans la motivation. Elle est exécutoire dès le prononcé du dispositif (article 19 du Règlement).
- Les parties n'ont ni domicile, ni résidence habituelle, ni établissement en Suisse, et ;
- Les parties n'ont pas renoncé au recours dans la convention d'arbitrage ou dans un accord ultérieur.
Concernant la CAD TAS, les décisions sont rendues par écrit, datées, signées et sommairement motivées. En cas de formation de trois juges, la décision est prise à la majorité ou, à défaut, par le/la président(e) seul(e).
III. Effets et enjeux des décisions du TAS
Cependant, le système d'arbitrage olympique fait parfois l'objet de critiques. Certains s'interrogent sur l'indépendance et l'impartialité réelle du TAS, compte tenu de ses liens étroits avec le mouvement olympique. D'autres soulèvent la question du consentement des athlètes à cet arbitrage, qui peut être perçu comme "forcé" dans la mesure où il conditionne leur participation aux Jeux. Enfin, la rapidité de la procédure devant la Chambre ad hoc suscite des interrogations quant au respect des droits de la défense.
