Litiges sportifs aux JO Paris 2024 : Rôle et procédures du TAS (Chambres ad-hoc et anti-dopage)

Scpa BERTRAND
25.07.24 13:11 - Commentaire(s)
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Le Tribunal Arbitral du Sport (TAS) jouera un rôle crucial lors des Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024. Sa compétence exclusive, fondée sur la Charte Olympique, lui permet de trancher rapidement les litiges sportifs pendant l'événement. Le TAS met en place une Chambre ad hoc et une Chambre anti-dopage, avec des procédures accélérées adaptées aux contraintes olympiques. Ces instances peuvent rendre des décisions en 24 heures, impactant directement l'éligibilité des athlètes et le déroulement des compétitions.

Le Tribunal Arbitral du Sport (TAS) jouera un rôle essentiel pendant les Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024 (« JOP ») pour garantir le bon déroulement des compétitions et préserver l'intégrité de cet événement planétaire. Sa compétence exclusive pour trancher les litiges sportifs pendant les JOP est établie par l'article 61.2 de la Charte Olympique.

Pour remplir cette mission, le TAS met en place une structure spécifique, la Chambre ad hoc, qui fonctionne selon des règles procédurales adaptées aux contraintes des Jeux. Cette chambre spécialisée permet de traiter les différends en temps réel, souvent en 24 heures, afin de ne pas perturber les compétitions.

Dans ce contexte, il convient d'analyser en détail le fonctionnement et la compétence du TAS pendant les JOP de Paris 2024. Cet article examinera dans un premier temps les bases juridiques de l'intervention du TAS et les types de litiges traités (I). Il se penchera ensuite sur l'organisation et les procédures spécifiques mises en place pendant les Jeux (II). Enfin, il analysera les effets et les enjeux des décisions rendues par le TAS dans le cadre olympique (III).

I. Compétence et base juridique du TAS pendant les JO

A. Compétence du TAS

La compétence du TAS pour les litiges relatifs aux JOP de Paris 2024 repose sur plusieurs textes fondamentaux, qui varient selon la nature du litige en cause.
Concernant les litiges relatifs à l'organisation des JOP au sein de la ville hôte, la compétence du TAS est prévue par le contrat de ville hôte

« Tout litige concernant la validité, l'interprétation ou l'exécution du Contrat ville hôte sera résolu de façon concluante par voie d'arbitrage, à l'exclusion des tribunaux étatiques de Suisse, du Pays hôte ou de tout autre pays, et jugé par le Tribunal Arbitral du Sport conformément au Code de l'arbitrage en matière de sport dudit tribunal. » 

L'insertion de cette clause compromissoire dans le contrat de ville hôte est autorisée par l'article 6 de la Loi n° 2018-202 du 26 mars 2018 :


« Par dérogation à l'article 2060 du code civil, le contrat de ville hôte, signé le 13 septembre 2017 entre, d'une part, le Comité international olympique et, d'autre part, la Ville de Paris et le Comité national olympique et sportif français, ainsi que les conventions d'exécution de ce contrat conclues à compter du 13 septembre 2017 entre les personnes publiques et le Comité international olympique ou le Comité international paralympique en vue de la planification, de l'organisation, du financement et de la tenue des Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 peuvent comporter des clauses compromissoires. »

En revanche, pour les litiges purement sportifs survenant à l'occasion des Jeux, le TAS dispose d'une compétence exclusive prévue par la Règle 61 de la Charte Olympique

« Tout différend survenant à l'occasion des Jeux Olympiques ou en relation avec ceux-ci sera soumis directement au Tribunal Arbitral du Sport (TAS), conformément au Code de l'arbitrage en matière de sport. » 
Cette compétence est renforcée par la clause compromissoire de l'article 6 du Formulaire d'inscription des athlètes pour les Jeux de Paris 2024 :
« 6. ARBITRATION

The Court of Arbitration for Sport is exclusively competent to finally settle all disputes arising in connection with the Participant’s participation in the Games. Unless otherwise agreed in writing by the IOC, any dispute or claim arising in connection with the Participant’s participation at the Games, not resolved after exhaustion of the legal remedies established by the Participant’s NOC, the International Federation governing the Participant’s sport, Paris 2024 and the IOC, shall be submitted exclusively to the Court of Arbitration for Sport (“CAS”) for final and binding arbitration in accordance with the Arbitration Rules for the Olympic Games, and the Code of Sports-related Arbitration. The seat of arbitration shall be in Lausanne, Switzerland and the language of the proceedings English. The decisions of the CAS shall be final, binding and non-appealable, subject to the action to set aside to the Swiss Federal Tribunal. I hereby agree that I waive my right as well as the Participant’s right to bring any claim, arbitration or litigation, or seek any other form of relief, including request for provisional measures, in any other court or tribunal, unless otherwise agreed in writing by the IOC. » 
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B. Fonctionnement du TAS

Si l'ensemble de ces textes fondent la compétence générale du TAS, c'est le Règlement d'arbitrage pour les Jeux Olympiques, adopté par le Conseil International de l'Arbitrage en matière de Sport (CIAS), qui précise les modalités de fonctionnement de la Chambre ad hoc mise en place spécifiquement pendant les JOP.

Ainsi, l'article Premier de ce Règlement pose deux conditions de fond pour la recevabilité d'une requête devant la Chambre ad hoc :

  • Le litige doit être couvert par la Règle 61 de la Charte Olympique et survenir pendant les Jeux ou dans les 10 jours précédant la cérémonie d'ouverture ; 
    "Le présent règlement a pour but d'assurer, dans l'intérêt des athlètes et du sport, la résolution par la voie de l'arbitrage des litiges couverts par la Règle 61 de la Charte Olympique, dans la mesure où ils surviennent pendant les Jeux Olympiques ou pendant une période de dix jours précédant la Cérémonie d'ouverture des Jeux Olympiques."
  • En cas de contestation d'une décision d'une instance sportive (CIO, CNO, fédération internationale, comité d'organisation), le demandeur doit avoir épuisé au préalable les voies de recours internes, sauf si cela rendrait inefficace un recours à la Chambre ad hoc. En effet, l'article 1er du Règlement d'arbitrage pour les Jeux Olympiques dispose :
    "Dans le cas d'une demande d'arbitrage contre une décision rendue par le CIO, par un CNO, par une Fédération Internationale ou par le Comité d'organisation des Jeux Olympiques, le demandeur/la demanderesse doit, avant de déposer sa demande, avoir épuisé les voies de recours internes dont il/elle dispose en vertu des statuts ou règlements de l'organisme sportif concerné, à moins que le temps nécessaire à l'épuisement des voies de recours internes ne rende inefficace un recours à la Chambre ad hoc du TAS."

À noter qu’en matière de dopage, le CIO a délégué ses pouvoirs pour statuer sur toute violation du Code mondial anti-dopage survenant à l’occasion des JOP à la Chambre anti-dopage du TAS (CAD TAS). Sa compétence exclusive « d’autorité de première instance » est établie par la Règle 59.2.4 de la Charte Olympique et les Règles antidopage du Comité International Olympique (CIO).

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II. Organisation et procédures spécifiques aux JOP

A. Chambres spécifiques

Pendant les JOP de Paris 2024, le TAS mettra en place deux chambres spécifiques pour traiter les litiges survenant lors de cet événement : la Chambre ad hoc et la Chambre anti-dopage (CAD TAS).

La Chambre ad hoc est composée d'arbitres sélectionnés parmi ceux figurant sur la liste générale du TAS et présents aux JO, conformément à l'article 3 du Règlement d'arbitrage pour les Jeux Olympiques. Un président et un co-président, élus par le Bureau du CIAS, assurent la direction de la Chambre (article 4 du Règlement). Un greffe est également établi sur le site des JO pour gérer les aspects administratifs de la procédure (article 5 du Règlement).

La procédure d'arbitrage devant la Chambre ad hoc est conçue pour être rapide et efficace. Cette procédure est gratuite, bien que les parties doivent s'acquitter de leurs propres frais d'avocat, d'experts, de témoins et d'interprètes (article 22 du Règlement). Elle est déclenchée par le dépôt d'une demande écrite au greffe, rédigée en anglais, en français ou en espagnol (article 10 du Règlement). Le président de la Chambre ad hoc constitue alors une formation de trois arbitres (ou un arbitre unique si les circonstances le permettent) pour traiter le litige (article 11 du Règlement). L'audience, qui peut être tenue en présentiel, par visioconférence ou en hybride, permet aux parties de présenter leurs arguments et leurs preuves (article 15 c) du Règlement). La formation arbitrale rend ensuite sa décision dans un délai de 24 heures, sauf prolongation exceptionnelle (article 18 du Règlement).

Parallèlement, la Chambre anti-dopage (CAD TAS), qui est une structure permanente du TAS opérationnelle tout au long de l'année, est spécifiquement compétente pour les violations des règles antidopage survenant pendant les JOP. Bien qu'elle existe en permanence, la CAD TAS adopte un fonctionnement spécifique pendant les Jeux Olympiques pour répondre aux exigences particulières de cet événement majeur. Sa structure et son organisation sont similaires à celles de la Chambre ad hoc, avec un président, des arbitres spécialisés et un greffe dédié. Cependant, la procédure suivie par la CAD TAS présente certaines spécificités pour s'adapter aux enjeux particuliers de la lutte contre le dopage dans le contexte olympique. Les délais peuvent être encore plus courts et les mesures provisoires (suspension provisoire) plus fréquentes. La CAD TAS applique le Code mondial antidopage et les règles antidopage du CIO, tout en tenant compte des contraintes spécifiques liées au calendrier serré des compétitions olympiques.

B. Procédures spécifiques

Ces procédures spécifiques aux JOP se distinguent des procédures ordinaires du TAS à plusieurs égards. Tout d'abord, les délais sont considérablement raccourcis pour permettre une résolution rapide des litiges, compatible avec le calendrier des compétitions olympiques. Ensuite, la constitution des formations arbitrales est simplifiée, avec la possibilité de recourir à un arbitre unique. Enfin, l'audience peut se tenir à distance, par vidéoconférence ou conférence téléphonique, pour gagner en efficacité.

À l'issue de la procédure, la formation arbitrale de la Chambre ad hoc a deux options, selon l'article 20 al. 1 du Règlement :
  • Rendre une sentence finale ;
  • Rendre une ordonnance de renvoi à la procédure habituelle du TAS, si les prétentions des parties, la complexité de l'affaire ou la nécessité de mesures d'instruction le justifient.

La sentence est prise à la majorité ou par le Président statuant seul et est communiquée sans délai aux parties, avec ou sans la motivation. Elle est exécutoire dès le prononcé du dispositif (article 19 du Règlement).

Concernant les voies de recours, selon l'article 21 du Règlement, la décision de la Chambre ad hoc ne peut faire l'objet d'aucun appel devant le Tribunal Fédéral Suisse, sauf si : 
  • Les parties n'ont ni domicile, ni résidence habituelle, ni établissement en Suisse, et ;
  • Les parties n'ont pas renoncé au recours dans la convention d'arbitrage ou dans un accord ultérieur.

Concernant la CAD TAS, les décisions sont rendues par écrit, datées, signées et sommairement motivées. En cas de formation de trois juges, la décision est prise à la majorité ou, à défaut, par le/la président(e) seul(e).

La formation peut communiquer le dispositif de la décision avant la motivation complète. La décision est exécutoire dès la communication écrite du dispositif. Une copie du dispositif et de la décision finale motivée est transmise à l'Agence Mondiale Antidopage (AMA).
Si des sanctions sont imposées, le TAS publie la décision, un résumé et/ou un communiqué de presse. La publication intervient une fois la décision définitive et exécutoire.
Un appel devant la Chambre arbitrale d'appel du TAS est possible dans les 21 jours suivant la notification de la décision finale motivée, conformément aux articles R47 et suivants du Code de l'arbitrage en matière de sport (article A21).
Exception : Lorsqu'une formation de trois juges de la CAD a été constituée et a rendu sa décision, aucun appel n'est possible (article A15 du règlement).
Le recours au Tribunal fédéral suisse, très limitatif, demeure toutefois possible.

III. Effets et enjeux des décisions du TAS

Les décisions rendues par le TAS pendant les JOP de Paris 2024 auront un impact significatif sur les compétitions et les athlètes. En effet, ces décisions peuvent porter sur des questions cruciales telles que l'éligibilité des athlètes, les résultats des épreuves ou encore les sanctions disciplinaires. Elles peuvent donc directement influencer le déroulement des compétitions et le parcours des athlètes.

Un des aspects essentiels des décisions du TAS est leur caractère exécutoire et l'absence de possibilité d'appel. Comme le prévoit l'article 21 du Règlement d'arbitrage pour les Jeux Olympiques, les sentences de la Chambre ad hoc ne peuvent faire l'objet d'aucun recours devant le Tribunal fédéral suisse, sauf dans des cas très limités.

Les décisions de la Chambre anti-dopage du TAS (CAD TAS) en matière de dopage revêtent une importance particulière. Elles peuvent entraîner des sanctions sévères pour les athlètes convaincus de violation des règles antidopage, allant de la disqualification à la suspension de plusieurs années.

Cependant, le système d'arbitrage olympique fait parfois l'objet de critiques. Certains s'interrogent sur l'indépendance et l'impartialité réelle du TAS, compte tenu de ses liens étroits avec le mouvement olympique. D'autres soulèvent la question du consentement des athlètes à cet arbitrage, qui peut être perçu comme "forcé" dans la mesure où il conditionne leur participation aux Jeux. Enfin, la rapidité de la procédure devant la Chambre ad hoc suscite des interrogations quant au respect des droits de la défense.

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Face à ces défis, des initiatives complémentaires émergent pour renforcer l'accompagnement juridique des athlètes pendant les Jeux Olympiques. C'est notamment le cas du dispositif mis en place par le Barreau de Paris pour les JOP. Un numéro unique sera disponible pour orienter les demandes d'assistance juridique des athlètes et autres parties prenantes. Une liste d'avocats volontaires, sélectionnés pour leur expertise et leur engagement à respecter une charte de bonnes pratiques, offrira une aide pro bono dans divers domaines du droit et dans plusieurs langues.

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