Lutte contre le dopage et compléments alimentaires (sportif, comment se défendre ?)

Cabinet Bertrand
21.04.23 17:13 Commentaire(s)

Par Clémence PICARD


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De nombreux sportifs au cours de leur carrière sont confrontés à la question de l’utilisation de compléments alimentaires ou suppléments. Si ces compléments ne se trouvent pas dans la liste des produits interdits de l’Agence Mondiale Antidopage, transposée dans le Code du sport à l’article L. 232-26 renvoyant à l’arrêté du 1er juillet 2021 [1], les athlètes doivent néanmoins rester vigilant quant à leur utilisation et leur provenance compte tenu d’une possible contamination par des substances interdites.



[1]Arrêté du 1er juillet 2021 fixant la liste des substances et méthodes dont la détention par le sportif est interdite en application de l'article L. 232-26 du code du sport.

Définition : compléments alimentaires 

Le Décret n°96-307 du 10 avril 1996 complétant le décret du 15 avril 1912 pris pour l'application de la loi du 1er août 1905 sur les fraudes et falsifications en matière de produits ou de services en ce qui concerne les denrées alimentaires, définit comme suit les compléments alimentaires :

« Les compléments alimentaires sont les produits destinés à être ingérés en complément de l'alimentation courante, afin de pallier l'insuffisance réelle ou supposée des apports journaliers. »

La Directive européenne 2002/46/CE sur les compléments alimentaires confirme cette définition.

La principale problématique réside dans le fait que le marché des compléments alimentaires n’est pas régulé. 

sportif, dopage et complément alimentaire, comment se défendre ?

Les compléments alimentaires ne devraient normalement contenir que les nutriments essentiels comme les vitamines, les minéraux, les protéines, les glucides, les lipides, ou des plantes, que l’on trouve dans l’alimentation humaine.

Toutefois, selon une étude du biochimiste allemand Hans Geyer menée en 2001, un complément alimentaire sur cinq environ contiendrait des molécules dopantes inscrites sur la liste des substances et méthodes interdites par l'Agence mondiale antidopage (AMA). En outre et selon cette même étude, 15 % de ces compléments alimentaires vendus aux sportifs seraient contaminés par des substances anabolisantes[1], sans que ces substances ne figurent clairement sur l'emballage.



[1] Plus connus sous le nom générique de « stéroïdes », ces produits augmentent la masse musculaire, raison pour laquelle ils sont interdits pendant et hors de la compétition.

Cette tendance est confirmée par la Swiss Sport Integrity qui relève que « dans le monde, 5 à 20% des produits sont contaminés par des substances interdites selon la Liste des interdictions (Vernec et al., 2013) ».

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Principe de la responsabilité objective (strict liability) en cas de résultat d’analyse anormal suite à un contrôle antidopage positif

Les organisations antidopage appliquent le principe de la responsabilité objective des athlètes selon lequel le sportif est responsable de toutes les substances retrouvées dans son organisme. 

« I. - Est interdite la présence, dans l'échantillon d'un sportif, des substances figurant sur la liste des interdictions mentionnée au dernier alinéa du présent article, de leurs métabolites ou de leurs marqueurs. Il incombe à chaque sportif de s'assurer qu'aucune substance interdite ne pénètre dans son organisme.
 

La violation de l'interdiction mentionnée à l'alinéa précédent est établie par la présence, dans un échantillon fourni par le sportif, d'une substance interdite, de ses métabolites ou de ses marqueurs, sans qu'il y ait lieu de faire la preuve que l'usage de cette substance a revêtu un caractère intentionnel ou a résulté d'une faute ou d'une négligence du sportif. »

Ce principe conduit à un renversement de la charge de la preuve faisant peser sur l’athlète le fardeau de cette preuve. 

Ainsi, la seule présence d’une substance interdite dans l’échantillon d’un athlète conduit l’agence antidopage à présumer l’existence d’une violation des règles relatives à la lutte contre le dopage. 

La caractérisation de cette violation entraîne l’application d’une suspension dont la durée est fixée par le Code du sport en fonction de la nature de la violation commise (articles L. 232-23-3-3 et suivant du Code du sport). 

In fine, l’athlète pourra obtenir une élimination ou une réduction de la période de suspension en fonction de son degré de faute. 

La difficulté pour l’athlète réside donc dans la démonstration de son absence de faute ou de négligence significative, preuve qu’il est difficile de rapporter, notamment en présence de compléments alimentaires « sain » en apparence mais qui étaient en réalité contaminés.

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Avant le contrôle : prudence et vigilance pour éviter un contrôle antidopage positif 

Recommandations à l’attention de l’athlète préalablement à la consommation de compléments alimentaires, visant à se prémunir d’un risque de contamination par des produits interdits et donc éviter une violation présumée des règles relatives à la lutte contre le dopage : 

1°) Consulter un expert indépendant en nutrition (médecin du sport, diététicien, nutritionniste, etc).

dopage et complément alimentaire, norme pour se défendre

2°) Vérifier que le complément dispose d’une norme attribuée par un organisme indépendant (ex. : AFNOR) visant à proposer la mise en place de bonnes pratiques en matière de fabrication de compléments alimentaires destinés aux sportifs :


Ø                Norme antidopage NF V94-001 (juillet 2012 – annulée et remplacée par la norme ci-dessous) : Prévention du dopage dans le sport - Compléments alimentaires et autres denrées alimentaires destinés aux sportifs - Bonnes pratiques de développement et de fabrication visant l'absence de substances dopantes.

Ø                Norme européenne NF EN 17444 (février 2021 – en vigueur) : Prévention du dopage dans le sport - Bonnes pratiques de développement et de fabrication visant à prévenir la présence de substances interdites dans les denrées alimentaires destinées aux sportifs et les compléments alimentaires.

3°) Eviter les commandes sur internet ou auprès de fournisseurs inconnus (notamment aux abords des salles de sport).

4°) Eviter de consommer des compléments appartenant à un tiers.

5°) Consulter les différents sites internet indépendants qui garantissent l’intégrité de certains fabricants et de certains compléments après les avoir testés par lot (ex. : Sport Protect via l’application Scan protect, Sport Integrity Australia via la création d’une application dédiée : Sport Integrity App, etc).

Bonnes pratiques en cas de consommation d’un complément :

 

Ø  Vérifier que chaque ingrédient présent sur l’étiquette du complément ne figure pas dans la liste des produits interdits

Ø  Conserver la facture et la preuve du paiement

Ø  Conserver le contenant sur lequel figure le numéro de lot et la date de péremption (idéalement, acheter un second pot du même lot et/ou même date de péremption qui sera conservé scellé pour être analysé en cas de contrôle positif, voir infra)

Ø  Conserver un échantillon du complément consommé

Ø  Conserver une copie de l’étiquette sur laquelle figure la liste des ingrédients

Ø  En cas de doute, faire analyser le complément avant de le consommer


L’athlète doit toujours garder à l’esprit que le respect de l’ensemble de ces recommandations ne le préserve pas à 100% d’un contrôle positif, il contribue uniquement à en réduire les risques. 

Après le contrôle positif : comment réagir pour préparer sa défense devant l’organisme de contrôle du dopage 

Lorsqu’une violation des règles relatives à la lutte contre le dopage est établie en application de l’article L. 232-9 du Code du sport, le sportif encours une sanction pouvant aller jusqu’à quatre ans de suspension en fonction de la nature de la substance et de son degré de faute. 

L’article L. 232-23-3-3 du Code du sport dispose : 

« I.- Hors les cas où la période de suspension n'est pas appliquée ou est réduite dans les conditions prévues à l'article L. 232-23-3-10 et sans préjudice de l'octroi d'un sursis prononcé en application de l'article L. 232-23-3-2, la durée des mesures de suspension mentionnées au 2° du I de l'article L. 232-23 à raison d'un manquement à l'article L. 232-9 ou au 2° de l'article L. 232-10 :

 

1° Est de quatre ans lorsque ce manquement implique une substance ou méthode non spécifiée. Cette durée est ramenée à deux ans lorsque le sportif démontre qu'il n'a pas eu l'intention de commettre ce manquement ;

 

2° Est de deux ans lorsque ce manquement implique une substance ou méthode spécifiée. Cette durée est portée à quatre ans lorsqu'il est démontré par l'Agence française de lutte contre le dopage que le sportif a eu l'intention de commettre ce manquement.

 

Pour l'application du présent article, le comportement intentionnel est défini à l'article 10.2.4 du code mondial antidopage dans sa version entrée en vigueur le 1er janvier 2021.

 

[…]

 

III.- Les substances et méthodes spécifiées, les substances et méthodes non spécifiées et les substances d'abus mentionnées au présent article sont celles qui figurent dans la liste des interdictions mentionnée à l'article L. 232-9. »

L’article L. 232-23-3-10 du Code du sport encadre l’appréciation du degré de faute du sportif : 

« I.-Lorsque l'intéressé établit dans un cas particulier l'absence de faute ou de négligence de sa part, la période de suspension prévue aux articles L. 232-23-3-3 à L. 232-23-3-9 n'est pas applicable.

 

II.-La durée des mesures de suspension prévues aux articles L. 232-23-3-3 à L. 232-23-3-9 peut être réduite dans les conditions suivantes, qui s'excluent mutuellement :

 

1° Lorsque la violation implique une substance ou une méthode spécifiée autre qu'une substance d'abus, ou lorsque la substance interdite détectée, autre qu'une substance d'abus, provient d'un produit contaminé, et que l'intéressé peut établir son absence de faute ou de négligence significative, la sanction est au minimum un avertissement et au maximum une suspension d'une durée de deux ans, en fonction du degré de sa faute ;

[…]

 

La durée des mesures de suspension prévues aux articles L. 232-23-3-3 à L. 232-23-3-9 peut être réduite par une décision spécialement motivée lorsque les circonstances particulières de l'affaire le justifient au regard du principe de proportionnalité. »

la défense du sportif en matière de dopage et complément alimentaire
Autrement dit, pour bénéficier d’une réduction de suspension (entre un avertissement et deux ans de suspension), l’athlète devra démontrer :

- non-seulement que le complément alimentaire était contaminé,
- mais également qu’il n’a commis aucune faute ou négligence  significative (en effet, l’Agence Mondiale Antidopage considère que l’absence de faute ou de négligence totale ne devrait pas s’appliquer en présence de la contamination d’un produit). 

Sur la preuve de la contamination : 

Le Code mondial antidopage définit le produit contaminé comme un « produit qui contient une substance interdite qui n’est pas divulguée sur l’étiquette du produit ou dans les informations disponibles lors d’une recherche raisonnable sur Internet. »

Ce texte précise également (commentaire n°66 de l’article 10.6.1.2) : 

« La réduction de la sanction pour absence de faute ou de négligence significative a rarement été appliquée dans les cas de produits contaminés, sauf lorsque le sportif avait fait preuve d’une grande prudence avant de prendre le produit contaminé. Dans le cadre de l’évaluation de la capacité du sportif à établir la source de la substance interdite, il serait, par exemple, significatif, pour établir si le sportif a effectivement fait usage du produit contaminé, de vérifier si le sportif avait déclaré sur le formulaire de contrôle du dopage le produit qui s’est avéré par la suite avoir été contaminé. »

En pratique, la preuve de la contamination est difficile à rapporter par l’athlète. 


Outre l’indication du nombre de prises, des quantités consommées à chaque prise, de la période de consommation, de la date de la dernière prise, le sportif devra également transmettre au laboratoire agréé désigné par l’organisation antidopage : deux pots du complément (le premier pot correspond à celui consommé par le sportif, le second est un pot scellé du même lot et date d’expiration), afin que ces compléments soient analysés à ses frais (qui peuvent représenter plusieurs centaines d’euros). 

Sur l’absence de faute ou de négligence significative : 

Le degré de faute du sportif est apprécié selon des critères objectifs et subjectifs, notamment au regard des dispositions qu’auraient pris le sportif pour éviter un résultat d’analyse anormal.

 

Toutefois, l’appréciation de ces critères par les organisations antidopage demeure casuistique et soumise au principe de prépondérance des probabilités.

A RETENIR


Faire preuve de prudence et de vigilance en cas de consommation de compléments alimentaires


&


Lorsque la consommation donne lieu à un résultat d’analyse anormal, tenter de démontrer une absence de faute ou de négligence significative de l’athlète en cas de suspicion de produits contaminés.


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