Stabilité contractuelle FIFA, entraîneurs de football et Fédérations Nationales

Cabinet Bertrand
25.01.24 17:41 Commentaire(s)
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Alors que viennent de s’achever les phases de groupe de la Coupe d’Afrique de Nation (CAN), cinq sélectionneurs ont déjà quitté leur poste. C’est l’occasion de rappeler les règlements de la FIFA qui prévoient qu’une fédération membre ne peut pas rompre unilatéralement et de manière anticipée le contrat de travail de l’entraîneur de sa sélection nationale sans juste cause. Le Tribunal du Football de la FIFA et le TAS (Tribunal Arbitral du Sport de Lausanne) considèrent par ailleurs que la non-réalisation d’un objectif sportif par l’équipe nationale ne peut constituer une juste cause. 

Jean-Louis GASSET (Côte d’Ivoire), Djamel BELMADI (Algérie), Chris HUGHTON (Ghana), Adel AMROUCHE (Tanzanie) et Jalel KADRI (Tunisie) ont déjà quitté leur poste de sélectionneur alors que les phases finales de la CAN 2023 n’ont même pas encore débuté. 

Ces départs, qui font généralement suite à des résultats sportifs décevants dans les grandes compétitions internationales, constituent un phénomène courant dans le milieu du football. 

Plusieurs exemples en témoignent : Luis ENRIQUE (Espagne), TITE (Brésil) et Gerardo MARTINO (Mexique) après la Coupe du Monde 2018, ou encore Fernando SANTOS (Portugal), Czeslaw MICHNIEWICZ (Pologne) et Roberto MARTINEZ (Belgique) après la Coupe du Monde 2022…

Si les circonstances et les raisons de ces départs varient d’un cas à un autre, il arrive quelques fois qu’ils se fassent dans des conditions contraires aux règles de la FIFA qui garantissent la stabilité des contrats de travail des sélectionneurs et entraîneurs adjoints des équipes nationales des fédérations nationales de football.

C’est l’occasion de rappeler qu’il est impossible pour une fédération nationale membre de la FIFA de rompre unilatéralement et de manière anticipée le contrat de travail du sélectionneur (et/ou entraîneur adjoint) de son équipe nationale (I)au motif de la non-réalisation d’un objectif sportif (II).

I.  Les règlements : l’impossibilité de rompre unilatéralement et de manière anticipée un contrat de travail sans juste cause

Parmi les règlements de la FIFA, le Règlement du Statut et du Transferts des Joueurs (dont la dernière version mise à jour, à la date du présent article, entrera en vigueur au 1er février 2024) contient une Annexe 2 intitulée « Règles relatives à l’emploi des entraîneurs ».

Cette annexe définit les règles relatives aux contrats de travail entre les sélectionneurs ou entraîneurs adjoints et les clubs professionnels ou associations membres (fédérations nationales de football). 

Elle prévoit que, par principe, le contrat de travail d’un sélectionneur (et/ou d’un entraîneur adjoint) de l’équipe nationale doit être exécuté jusqu’à son terme sauf si un accord entre les parties est trouvé :

« 3. Respect des contrats : Un contrat peut prendre fin uniquement à son échéance ou d’un accord commun. »

L’indemnité de rupture sans juste cause est en règle générale équivalente à la valeur résiduelle du contrat prématurément résilié.

En cas de rupture anticipée (avant le terme du contrat de travail) et en l’absence d’accord entre les parties (rupture à l’initiative d’une seule des parties), la partie à l’initiative de la rupture devra payer une indemnité si elle ne fait valoir aucune juste cause :

« 4. Rupture de contrat pour juste cause : 1. En présence d’un cas de juste cause, un contrat peut être résilié par l’une ou l’autre des parties sans paiement d’indemnités. » 1. En présence d’un cas de juste cause, un contrat peut être résilié par l’une ou l’autre des parties sans paiement d’indemnités. »


« 6. Conséquences d’une rupture de contrat sans juste cause : 1. Dans tous les cas, la partie ayant rompu le contrat est tenue de payer une indemnité. »

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II.  La jurisprudence : le refus de considérer la non-réalisation d’un objectif sportif comme une juste cause 

Le Tribunal du Football de la FIFA considère que la non-réalisation d’un objectif sportif ne constitue pas une juste cause :


« A la lumière du principe de stabilité contractuelle, il ne peut être mis fin unilatéralement à un contrat au seul motif du non-achèvement d’un but sportif spécifique, collectif et particulièrement ambitieux. »(Décision de la Commission du Statut du Joueur de la FIFA du 6 Octobre 2020).

Le Tribunal Arbitral du Sport de Lausanne (TAS) a eu, à plusieurs reprises, l’occasion de se prononcer sur le sujet. Il a d’ailleurs récemment validé l’analyse du Tribunal du Football de la FIFA en confirmant la condamnation de la Fédération Camerounaise de Football (FECAFOOT) à indemniser à hauteur de 1,6 Millions d’Euros son ancien sélectionneur du fait de la rupture anticipée sans juste cause de son contrat de travail. 

Enfin, il convient de noter que tout sélectionneur de l’équipe nationale (et/ou entraîneur adjoint) d’une fédération membre, qui souhaiterait contester la rupture de son contrat de travail qu’il juge abusive, dispose d’un délai de 2 ans à compter de la rupture pour saisir la chambre compétente du Tribunal du Football de la FIFA :


« Le Tribunal du Football ne traite pas les affaires soumises au présent règlement si plus de deux ans se sont écoulés depuis l’événement ayant occasionné le litige. Le respect de ce délai doit être examiné d’office dans chaque affaire. » (Article 23 Tribunal du Football, 09 Compétence, Règlement du Statut et du Transfert des Joueurs de la FIFA)

Sur le même thème, voir les articles suivants :

La Cour de Justice de l'Union Européenne (CJUE) a rendu, le 21 décembre 2023, 3 arrêts portant sur le monopole des fédérations sportives internationales

[21.12.2023]

Adaptation par la FIFA de son Règlement sur le Statut et le Transfert des joueurs

[11.03.2022]

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