
Le 18 décembre 2024, la Cour de cassation s’est prononcée sur l’applicabilité d’une clause compromissoire dans un litige sportif (arrêt n°23-21.292). En censurant l’arrêt de la Cour d'appel qui avait écarté la compétence de la Chambre arbitrale du sport du CNOSF, la Haute juridiction précise les conditions du contrôle judiciaire dans un contexte de relations contractuelles multiples.
Un rappel exigeant des conditions d’appréciation de l’inapplicabilité manifeste
Dans cette affaire opposant une association sportive à son ancien président, la clause compromissoire figurait dans un protocole d’accord du 13 juin 2017 qui organisait la nomination de ce dernier comme président et fixait des objectifs financiers (170 000€ HT de partenariats). Suite à sa démission, l’association l’a assigné devant le juge étatique en invoquant des manquements aux obligations statutaires, malgré l’existence d’une clause compromissoire attribuant compétence à la chambre arbitrale du sport du CNOSF.
La Cour d'appel avait retenu sa compétence au motif que les demandes étaient « fondées sur l'inexécution par le président de ses obligations statutaires au sein de l'association et non sur l'exécution du protocole incluant une clause compromissoire ».
La Cour de cassation censure ce raisonnement : « en se déterminant ainsi, par des motifs impropres à établir le caractère manifeste de l'inapplicabilité de la clause d'arbitrage, seule de nature à faire obstacle à la compétence prioritaire de l'arbitre pour statuer sur l'existence, la validité et l'étendue de la convention d'arbitrage, la Cour d'appel a violé le texte susvisé ».
Le principe de compétence-compétence
· Article 1448 du Code de procédure civile : « Lorsqu'un litige relevant d'une convention d'arbitrage est porté devant une juridiction de l'État, celle-ci se déclare incompétente sauf si le tribunal arbitral n'est pas encore saisi et si la convention d'arbitrage est manifestement nulle ou manifestement inapplicable. »
· Selon la jurisprudence constante de la Cour de cassation, il appartient à l'arbitre de statuer prioritairement sur sa propre compétence (Cass. 1re civ., 16 octobre 2001, n°99-19.319), y compris en cas de contrats multiples au sein d’une même relation contractuelle (Cass., Civ. 2, 18 décembre 2003, n°02-13.410).

Une approche rigoureuse du contrôle judiciaire
La Haute juridiction réaffirme ainsi le principe selon lequel il appartient prioritairement à l’arbitre de statuer sur sa propre compétence. Seule une inapplicabilité manifeste, c’est-à-dire évidente et ne nécessitant aucune interprétation, peut justifier l’éviction de la clause compromissoire par le juge étatique.
En l’espèce, la Cour de cassation considère que la Cour d'appel, en procédant à une analyse approfondie des relations contractuelles pour déterminer si le litige relevait des statuts ou du protocole, a excédé les limites de son contrôle.
Une décision technique aux enjeux pratiques
La question soulevée traduit la complexité des relations contractuelles dans le sport où coexistent souvent statuts associatifs, protocoles d’accord et autres instruments juridiques.
Au cas présent, la Cour de cassation applique strictement le principe de compétence-compétence, indépendamment de l’apparente divergence entre le fondement des demandes (statutaire) et le support de la clause compromissoire (protocole).
La solution retenue rappelle que le juge étatique ne peut écarter une clause compromissoire qu’en cas d’inapplicabilité évidente, son appréciation devant rester sommaire sans procéder à une analyse approfondie des relations contractuelles en cause.
L'inapplicabilité manifeste
• La nullité ou inapplicabilité manifeste doit pouvoir être constatée lors d'un examen sommaire par le juge étatique, tout contrôle substantiel et approfondi étant exclu.
· Le juge étatique « doit se limiter à un contrôle de l'évidence » (CA Paris, 12 juillet 2022, n°22/06400 ; CA Aix-en-Provence, 23 novembre 2017, n°17/01932)
· « Toute nécessité d'interprétation soit des faits, soit de la volonté des parties, relativement à l'application de la clause, interdit au juge étatique d'apprécier la compétence du tribunal arbitral » (E. Loquin, RTD com. 2006.764)
· N'est pas manifestement nulle une clause compromissoire contenue dans un projet de contrat (Cass. Civ. 1, 21 septembre 2016, n°15-28.941) ou par référence (CA Paris, 15 oct. 2009, Rev. arb. 2009. 923)(CA Paris, 15 oct. 2009, Rev. arb. 2009. 923)
Autonomie de la convention d’arbitrage par rapport au contrat auquel elle se rapporte
· Article 1447 du Code de procédure civile : « La convention d’arbitrage est indépendante du contrat auquel elle se rapporte. Elle n’est pas affectée par l’inefficacité de celui-ci. »
· « qu'une telle clause, en raison de son autonomie par rapport à la convention principale dans laquelle elle s'insère, n'est pas affectée, sauf stipulation contraire, par l'inefficacité de cet acte » (Cass. Com., 25 novembre 2008, n°07-21.888).
L'arbitrage en matière sportive
- Présentation de la Chambre arbitrale du CNOSF
- Règlement de la Chambre arbitrale du sport du CNOSF